Amok
Atoms For Peace
A trop vouloir s'acheter une crédibilité auprès de la scène bass avec une reconversion ratée en DJ et un album de Radiohead plutôt avare en moments de bravoure, le based-god Thom Yorke s'est pas mal démystifié ces dernières années. Et pour cause: on avait pris l'habitude d'entendre la quintette d'Oxford mûrir avec plus d'espièglerie. Au lieu de cela, The King Of Limbs ressemblait à un vilain nid de poules qui nous a, y compris en live, pas mal dégoûté du groupe. Alors dire que l'on attendait pas grand chose de ce premier opus d'Atoms For Peace est un sacré euphémisme.
On savait déjà à la seule écoute du single « Default » que la formidable bande qui entoure la paire Thom Yorke/Nigel Godrich – à savoir Flea, Joey Waronker, Mauro Refosco – verrait malheureusement sa contribution en studio réduite à sa portion congrue. Et sur ce point on a vu juste. Ce qu'on avait moins prévu par contre, c'est la grande densité d'un produit fini qu'on à un peu trop vite rapproché de The Eraser. Le tout qu'Amok tend à former, emprunt d'une totale liberté de mouvement et d'une sincérité désarmante, permet en effet à ses géniteurs de renouer avec des instants autrement plus glorieux de leur faste carrière.
Enfin en paix avec ses influences, c'est un Thom Yorke flamboyant d'amertume qui impose son groove nasillard au milieu de pétage de plombs synthétiques. Des titres comme "Before Your Very Eyes...", "Dropped" ou "Unless" démontrent même toute l'habilité qu'à Yorke à construire, sur le bel héritage sonore laissé par Modeselektor, Flying Lotus ou Actress, de formidables et complexes édifices électroniques. Le voyage court mais riche proposé par l'album est un véritable régal: entre les rythmiques cassées, les envolées cathédrales et les beats sans dessus dessous, c'est la chaleur d'un piano, d'une ligne de basse ou d'un riff de guitare qui contribue à donner toute sa pertinence à AMOK.
A l'arrivée, il y a fort à parier qu'après un carton pareil, le retour aux affaires avec Radiohead se fera dans la douleur, car AMOK est le parfait témoin d'un Thom Yorke franchement inspiré et clairement là où il veut être après presque vingt ans de carrière: en dehors de tous les compromis que peuvent impliquer un projet de groupe. La première plaque d'Atoms For Peace est un produit touchant et habité, habillé d'un songwriting doux et amer qui rassure pas mal sur l'avenir musical du natif d'Oxford... A défaut de complètement rassurer sur celui de son groupe.