Alternate/Endings

Lee Bannon

Ninja Tune – 2014
par Simon, le 31 janvier 2014
8

Certains changements de cap peuvent parfois laisser circonspect: Usain Bolt qui annonce son désir de finir sa carrière à Manchester United, Elie Semoun qui décide de se mettre à la chanson ou Virginie Efira qui finit dans des comédies de seconde zone. Il n’était pas bien notre Lee Bannon au chevet du jeune et prometteur Joey Bada$$, à lui fignoler des prods old-school dont le succès était garanti par la hype qui entoure son copain de emcee ? Passer du boom-bap à  l’amen break dans ces circonstances, on ne l’aurait jamais parié. Pourtant si on a peur pour Elie Semoun, Usain Bolt ou Virginie Efira, on se réjouit véritablement de voir l’Américain bousculer ses récentes habitudes, surtout qu’Alternate/Endings pourrait bien être un succès complet, pour autant que vous ne soyez pas allergiques au spectre rave.

Si on devait regarder à ce qui a pu faire naître un amour commun du hip-hop de vieux et de la jungle, on spéculerait très certainement sur un goût prononcé pour le goût de la poussière sous la langue, la fascination pour le contenant immortel. L’obsession rythmique peut-être, la weed aussi ou alors l’union sacrée formée avec la scène de Sacramento, biberonnée très tôt à l’amen break orthodoxe. Toujours est-il qu’Alternate /Endings n’a presque plus rien de hip-hop, qu’il quitte l’esthétique américaine pour se réfugier dans ce qu’une certaine Angleterre des 90’s a pu faire de mieux: la rave et ses bâtards. Le spectre embrassé ici est celui des deux premiers albums de The Prodigy (comment ça, les deux seuls valables?), le happy hardcore des origines ou le early-breakcore de Christoph de Babalon. Un truc obsédé par la rythmique longitudinale, par l’inertie d’un break qui pourrait durer des heures pour autant qu’il soit soutenu de temps à autre par un effet de manche joué au synthé, une infrabasse omniprésente ou un déraillement qui annonce de toute manière un retour rapide sur l’autoroute du beat.

L’arme de Lee Bannon, c’est forcément celle du temps, ou plutôt celle du recul. Une donnée qui permet à l’Américain d’éviter habilement les pièges rythmiques trop évidents, qui lui permet également d’aller chercher chez les autres (les premiers Burial, le premier LP de Zomby) tout ce qui lui permettra d’asseoir sa street cred’ une fois pris comme le Ricain chez les Anglouches. Pas de soucis à se faire là-dessus, Alternate/Endings est clairement ce disque qui aurait pu sortir des mains d’un natif de Croydon, avec toute la spontanéité, la simplicité et la profondeur de l’Angleterre électronique des origines. Mine de rien, on tient là un très bon disque de jungle.

Le goût des autres :