Alligator
The National
Révélés en 2003 avec leur second album, Sad Songs For Dirty Lovers, les américains de The National ont réussi un mini hold-up l’an passé avec les 7 titres impeccables du Cherry Tree EP, passant d’un coup d’un seul de la catégorie 'outsiders' à celle de valeur montante du rock. Désormais signé sur le label Beggars Banquet, le quintet de Cincinnati a mis toutes les chances de son côté pour faire de la sortie de "Alligator" le tremplin de sa carrière – simplement en réalisant son meilleur disque à ce jour. Toujours partagé entre le romantisme noir à la Tindersticks et de furieuses envolées électriques plus proches des Pixies, The National réussit ici le parfait grand écart entre ses aspirations de songwriting classieux et sa recherche d’un son sobre mais efficace.
Si le signe de ralliement du groupe reste la voix grave de Matt Berninger, Alligator affiche une personnalité et une cohérence musicale révélatrices de l’implication de chacun des membres, avec une mention particulière pour le travail du batteur Bryan Devendorf sur la trilogie rock de "Lit Up", "Abel" (épatant premier single) et "Mr. November". Habitée, fortement chargée émotionnellement, servie par des paroles crues et sexuellement déviantes ("Karen"), la musique de The National ressemble à une thérapie collective en provenance directe du fin fond de l’Ohio, et déclinée en treize sessions thématiques (petits secrets, hallucinations, psychorigidité, claustrophobie…).
Peu de fausses notes à signaler dans ces 48 minutes de musique, traversées d’éclairs de génie, refusant toute facilité et ne révélant ses nombreux charmes qu’au fil des écoutes. On s’étonne néanmoins de l’inclusion de "All The Wine", déjà présent sur le "Cherry Tree EP" et ne méritant pas forcément cette double exposition. Détail mineur pour l’œuvre d’un groupe destiné à devenir majeur.