Alive 2007
Daft Punk
Birmingham, 1997. Paris, 2007. Une discographie irréprochable. Et voilà que mon travail de chroniqueur se voit simplifié dans ces quelques paraphrases lâchées à la va-vite, car à présent parler des Daft Punk sans passer par la case des redites devient presque mission impossible. Entre ces deux dates se distille une éternité, quoique non, à peine le temps d’écrire trois disques tous aussi improbables qu’immanquables. Et pas une étape de cette aventure ne s’est produite sans grandir l’aura de ces pauvres robots, institués au jour d’aujourd’hui au rang des hommes à têtes de dieux. Dix ans donc depuis les premiers kicks dévastateurs de Homework, les live à visage découverts et les chiens parlants de « Da Funk ». Que peut-il donc rester de cette traversée épique quand la démocratisation de l’electro cheap nourrit son instinct de cannibale en parasitant les boucles de ses créateurs ?
Eh bien à en entendre cette heure en compagnie des Daft, il n’en reste pas moins qu’une douce satisfaction, un sourire en coin qui nous pousse à penser que rien ne s’est évaporé du talent qui fut le leur. De titres en remix, ou devrais-je dire l’inverse, les Parisiens contemplent du haut de leur pyramide un spectacle effarant : la réincarnation même d’un son qui n’a pas pris une once de vieillesse et un public dévoué à une cause qui a su rester noble au fil des années. Ce contenu-là n’a rien de nouveau, c’est le bastion du son house charnel combiné à une techno aux allures faussement brutales, tantôt transfiguré par des élans pop dosés, toujours imagé par un visuel criant d’originalité.
S’évertuer à comprendre la sévérité d’un tel travail manquerait de finesse au vu de l’insouciance avec laquelle est jouée chaque transition au cours de ce live prestigieux, le public lui l’a compris et menace de s’évanouir lorsqu’une poignée de samples ravivent des milliers de mémoires encore fraîches. Ici tout est broyé, malaxé, ralenti puis accéléré, démonté jusqu’à ce qu'il n’en reste rien, puis finalement recraché avec une jeunesse toute retrouvée. Et c’est bien là qu’apparaît le coup de force le plus stupéfiant de l’ensemble, car à en voir le résultat il nous apparaît avec frayeur que le chemin parcouru jusqu’ici résonne avec une cohérence tout droit sortie de l’enfer. Comme si chaque titre avait été pensé sur dix longues années pour en parfaire un autre, une histoire chevaleresque dont les chapitres se subliment l’un l’autre pour donner lieu à une œuvre magistrale. Cette œuvre-là est une discographie dont les frasques semblent encore immaculées, comme si l’auditeur venait d’entendre pour la première fois la décharge des Daft.
C’est ce qui fait toute la différence entre les créateurs et les suiveurs, entre ceux qui ont digéré leurs influences avec succès et ceux qui se retrouvent frustrés de ne pas avoir réussi à composer le monument que fut Homework (suivez mon regard). Doux paradoxe en l’occurrence quand on s’imagine avoir dit des robots qu’ils étaient incapables de se différencier, condamnés à une vie de reproduction des schémas qu’on leur a inculqués, alors même que la musique de ces jeunots à peine sortis de leur riches et pleines adolescences se ressemble déjà à s’y méprendre, dévorés par l’idée de vivre leur vie en mode fastlane.
Rien n’a donc changé depuis Birmingham, Thomas Bangalter et Guy-Man, toujours aussi vivants, continuent de graver leurs lettres de noblesse dans le marbre avec la vigueur des grands jours. Best Show Ever, Best group Ever, la leçon est donnée...