Afrikan Culture
Shabaka
Huit titres, vingt huit minutes de musique. Pour sa première expérience en solo, Shabaka Hutchings bouscule ses habitudes – et les nôtres avec. Après des années passées à écumer les studios d'enregistrement et les scènes du globe avec The Comet Is Coming, les bientôt défunts Sons Of Kemet ou Shabaka & The Ancestors, le génial saxophoniste anglais semble avoir éprouvé le besoin de cultiver son propre jardin. Ce qui est loin d'être une surprise pour ce virtuose qui promène bien volontiers sa collection d'instruments à vent en tournée – allez sur son compte Instagram, petite mine d'or pour tout apprenti jazzeux.
Pour ce poumon du jazz anglais, Afrikan Culture fait l'effet d'une respiration dans une carrière menée tambour battant : aux transes tribales et questions d'identité de ses projets évoqués plus haut, ce premier effort en solo oppose une musique sans section rythmique, et dans laquelle l'artiste peut délaisser son instrument totem, le saxophone, pour lui préférer le shakuhachi ou l'ocarina. C'est donc tout un concerto de vents qui se succède ici : moins affaire d'envolées, Afrikan Culture réalise un travail de tous les instants sur les textures sonores, si bien que l'expérience d'écoute s'apparente davantage à celle d'un disque d'ambient plutôt que de jazz. Rien de bien étonnant ceci dit : on parle ici de deux genres qui échappent aux lois de la gravité, abhorrent une musique trop écrite, et dont les plus beaux moments restent de l'ordre de l'improvisé.
Cousin lointain des moments les plus aériens du Thembi de Pharoah Sanders, proche dans l'esprit des disques de Jeff Parker ou de Midori Tekada, Afrikan Culture est une petite demie heure en apesanteur, apaisée et spirituelle au possible, et dont on espère sincèrement qu'elle ne sera pas qu'une simple parenthèse dans la carrière de Shabaka Hutchings. Un beau moment suspendu dans le temps, qui démontre à la perfection la versatilité de l'anglais et son aisance à sortir de sa zone de confort, loin du seul terreau jazz.