Actual Life 3 (January 1 – September 9 2022)
Fred again..
Le 28 octobre dernier, jour de la sortie de Actual Life 3 (January 1 – September 9 2022), un certain @_botulinum se fendait d’un de ces zingers qui font la renommée de Twitter : « fred again is avicii for people who listen to burial ». Retweets et cœurs en pagaille pour cette pique plutôt bien sentie. Mais si ce gentil twittos avait voulu viser juste, il aurait remplacé Avicii par la Swedish House Mafia et Burial par Four Tet. Pas pour faire joli, mais tout simplement parce qu’en plus de voir Fred again.. se situer à l’intersection de ces deux trajectoires que pourtant tout oppose, il n’est plus inimaginable de voir tout ce beau monde réuni autour d’une paire de CDJ : cet ambitieux crossover a eu lieu cet été à New York.
En réalité, pour Fred Gibson, ce petit tour de passe-passe discographique n’était qu’un moment fort parmi tant d’autres dans une année 2022 qui l’aura vu connaître une ascension plus fulgurante qu’un burn-out de Ye, lui dont le nom était pourtant déjà sur bien des lèvres – ces deux dernières années, il a livré deux albums, travaillé avec des poids lourds du mainstream et produit tout un album pour le driller Headie One. Mais il aura fallu une Boiler Room déjà entrée dans la légende pour que s’alignent les planètes pour un producteur dont personne ne doutait de l'explosion – à commencer par la major qui le dorlote. Comment ne pas avoir envie de dérouler le tapis rouge à un type dont il émane un capital sympathie stratosphérique, capable de réunir autour d’une piste des communautés qui ne se parlent que quand c’est rigoureusement nécessaire : les fans d’EDM et d’indietronica. Aux premiers il offre des drops plus caloriques qu’un menu XL chez O’tacos, aux seconds de belles mélodies qui parlent à leurs instincts pop.
À dire vrai, à l’écoute de ce nouvel album qui fonctionne encore comme un journal intime, on peut se demander si la fameuse Boiler Room susmentionnée, riche en inédits qui ne le sont plus, ne surpasse pas Actual Life 3 (January 1 – September 9 2022). En tout cas, celle-ci fait ressortir tout ce qui ne va pas sur les albums de l’Anglais. D’abord, il y a cette générosité qui peut se révéler contre-productive : Fred again.. est visiblement incapable de dire non, raison pour laquelle il a sorti trois albums en l’espace de 24 mois, quand un seul, plus poli et abouti, aurait fait l’affaire. Ensuite, si des titres comme « Delilah (put me out of this) », « Kammy (like i do) », ou « Danielle (smile on my face) » témoignent de sa capacité à faire agoniser le thermomètre de n’importe quel dancefloor (bosser pour BTS ou Stormzy, ça aide), on sent qu’il maîtrise moins les codes d’une écriture plus douce-amère, pour ne pas dire ambient – un comble pour celui qui a co-produit des albums de Brian Eno. Autrement dit, on a trop souvent le sentiment que la qualité des titres baisse en même temps que le BPM.
Si le Paris Saint-Germain peut s’appuyer sur sa fameuse MNM, la musique électronique anglaise a elle aussi son trio de choc, composé de Bicep, Overmono et notre Fredo. Seul souci, cela nous donne l’acronyme BOF, pour une bande qui ne l’est pas vraiment. En tout cas, vu l’intelligence avec laquelle cette "English House Mafia" place ses pions, et vu l’efficacité redoutable de sa méthode, on a du mal à dire qui pourra l’empêcher de ramener la coupe à la maison.