Acre Loss
M.Templeton & aA.Munson
Voilà bien un disque qui a traîné un petit temps sur ma platine avant de se voir chroniqué. Non pas qu'il soit mauvais, mais plutôt qu’il ne s’est pas livré à moi avant cette soirée. D’ailleurs, une telle persistance dans ma volonté de comprendre cet Acre Loss tient sûrement du fait que Mark Templeton a maintenant l’habitude de produire sa musique sur Anticipate, structure infaillible menée d’une main de maître par le génial Ezekiel Honig. D’ailleurs la marque de fabrique du label – ou plutôt le lien musical qui unit Ezekiel à Templeton – est évident : travaillant tous les deux une ambient organique aux timbres vintage, nos deux compères ont fort à faire en matière de paysages oniriques.
Mark Templeton appuie la matière organique pour obtenir de manière permanente un son terreux, graveleux comme une poignée d’argile à moitié sec que l’on effrite sans mal une fois bien enfoncée dans la paume de notre main. Alors, sur ce voile de satin troué, la matière grésille de manière frileuse et entoure les accords de guitares enlevés et lointains de sa rugosité toute relative. Mais Acre Loss c’est aussi des éléments de field recording planqués un peu partout, jusqu’à ne plus savoir faire la différence entre sons environnementaux et orchestration ensoleillée. Cette production floue et lumineuse fait de ce disque la galette symbolique d’une nostalgie post-vacancière, raconte des étés passés à rire, des moments d’insouciante tendresse et des souvenirs à vous faire couler cette première et unique larme. On se ballade ici les pieds dans l’herbe, dans le sable ou sur des graviers de pierre fine pour finalement comprendre que Acre Loss est un disque qui n’impose rien, mais qui au contraire propose une série d’image qui vous évoqueront ce que votre mécanique du cœur désire dessiner sur l’instant. Bucolique et aéré, ce disque est ampli d’une chaleur qui n’étouffe jamais, qui laisse l’auditeur respirer de grandes bouffées, biens conscient que ce disque est avant tout une affaire d’auditeurs.
Et pendant que l’un de vos amis se lave les mains, un oiseau chante et la guitare divague assise sur un transat les pieds en éventail. Comme si la musique surf rencontrait une ambient organique aux relents de ressentiment. Acre Loss répond aux souvenirs du passé pour coller littéralement aux formes du présent, se renouvelant sans cesse au fil des écoutes, suivant notre instinct d’aventure comme un cerf-volant suit le chemin que lui trace le vent changeant. Les écoutes se sont donc succédé et il s’est révélé que la force principale de Acre Loss réside dans sa capacité à créer un voyage pluridimensionnel, comme une série de trompe-l’œil mis les uns derrière les autres et qui n’auraient comme limite à exister que l’horizon jaune-orange. L’auteur l’a bien compris et, pour la cause, a demandé à Aaron Munson d’envisager dix courts métrages qui mettraient de manière définitive ces dix pièces en image. Les films racontent bel et bien des scènes familiales, souvenirs de vacances et autres plaisirs simples, bien conscients que ces dix saynètes ne sont que de simples pistes à explorer, l’essentiel du disque étant de se perdre joyeusement pour faire sa propre histoire. Ma persistance a été récompensée, et je peux maintenant chaudement vous recommander ce disque sans trop prendre de risques.