Acolyte

Delphic

Kitsuné – 2010
par Julien Gas, le 14 janvier 2010
7

Autant dire que 2010 commençait mal. L'année à peine entamée que déjà débarque un bon gros buzz bien dégoulinant nommé Delphic : le groupe over hype et über sexy de 2010 que tout le monde se doit d'écouter sous peine de passer pour le plus grand des has been. Déjà comparé à New Order ou Section 25, Delphic est annoncé comme le renouveau du rock anglais avec son électro-rock pas bien différent de ce que tout le monde le fait depuis 2002. Autant dire que le groupe part sur de très mauvaises bases et qu'on aurait plutôt tendance à s'en méfier comme de la peste. Ajoutons à tout cela la propension de Delphic à faire monter le buzz depuis presqu'un an déjà grâce des maxis sur les labels tendances (R&S et Kitsuné) et à des prestations live annoncées comme fortement bien foutues, notamment en première partie de Bloc Party, Phoenix ou encore Cut Copy. Ainsi, c'est sans doute notre angoisse de devenir de vieux ploucs aigris et blasés qui nous poussera à jeter une oreille au premier album de ce combo mancunien.

On pourrait très bien dire que, comme prévu, Delphic joue un rock teinté de house aux accents mélancoliques qui rappelle évidemment New Order, mais qui fait également penser à Bloc Party ou à Friendly Fires. On pourrait, évidemment, crier à la supercherie d'une révélation en papier mâché qui ressasse ce que LCD Soundsystem avait lui même déjà puisé chez ses pairs (Gang of Four, New Order). On pourrait, également, considérer Delphic comme le dernier groupe égaré de la vague électro-rock des années 2000 déclenchée par DFA ou Modular. Ou alors, on pourrait écouter leur disque, je veux dire vraiment l'écouter et là, on ne pourrait que se rendre à l'évidence : Delphic est bel et bien là en 2010, fort de ses influences, fort de cette mélancolie pop et de ce don pour sonner juste ; pile poile entre la house et l'indie rock, bien plus fort et beau que les infâmes Klaxons pourtant propulsés il y a quelques années et dans les mêmes conditions au sommet de la hype.

Delphic risque bien de faire du bruit mais, cette fois, pour de bonnes raisons. Simplement parce que leur album est bon. Pas révolutionnaire mais juste bon, et c’est déjà pas mal. Batterie métronomique, basse puissante, beat électronique et voix mélancolique font de Delphic un des groupes phares de cet hiver 2010. Un groupe bien plus classe que leur single trop catchy "Doubt", qui ne reflète pas vraiment  l'intérêt qu'on peut porter à un groupe qui se révèle plutôt grâce à des titres tels "Submission" ou "Red Lights" - de véritables pépites froides, dures et mélancoliques pour une esthétique du son que ne renierait pas le "Madchester" de l'époque rave de la Hacienda, avec ce petit plus qui se démarque des pâles copies, ce petit plus qui nous fait vibrer. On retiendra également le titre "Acolyte", qui donne son nom à l'album, et sonne comme le parfait mélange entre The Horrors et Underworld : des beats tabasseurs associés à une froideur à vous glacer le sang.

Les jeunes gars de Delphic réussissent donc à digérer sur Acolyte 30 ans de musiques indépendantes, allant de Joy Division à Chemical Brothers, en passant par Bauhaus et l'acid house, tout en le régurgitant de façon cohérente, sobre et musicalement bien foutue. Même si l'album n'est pas totalement parfait, on tient peut-être là un groupe à l'avenir plus qu'intéressant. Le verdict est là et quoi qu'en dise le baromètre de la hype, Delphic est un groupe plus intéressant et classieux que la horde de journalistes qui l'entoure. Le ramage de Delphic se rapporte donc à son plumage. De quoi faire de lui le phénix rock de ce début d'année.