Aa. Vv.
Planisphère
Si vous êtes balèzes en latin, vous aurez deviné que le collectif Planisphère, qui célèbre les 5 ans de son label en compilation, a placé celle-ci sous le signe de la collaboration. Bien que basé à Paris, le collectif met donc en avant l’internationalisme de son catalogue en invitant 19 artistes à produire 13 nouveaux morceaux. Dès l'introductif de l'ingooglable Aa. Vv, une collab’ entre la Serbe Thea Soti et le Kényan KMRU, on pourrait croire que le reste de compilation va se limiter à l’ambient. Mais le côté expérimental du catalogue prend vite le dessus.
Si vous êtes déjà allés à une de leurs soirées, vous savez que certains artistes de Planisphère montrent clairement une prédilection pour la production pluridisciplinaire. Une ambition difficile à retranscrire sur un support purement sonore mais Qow, un artiste audiovisuel égyptien basé à Prague, s’en tire avec les honneurs en mélangeant field recordings et synthés vaporeux. De la même manière, Mélodie Blaison présente un beau collage sonore mettant en avant un texte de la poétesse américaine Adrienne Rich.
Les morceaux en duo sur la première partie sont les plus exigeants : les textures folles du morceau « NEИ » par Prōtokol et le chant guttural de necrotrance ; la voix déstructurée d’Amelie Nilles avec le producteur Aho Ssan évoquant une version épique mais éthérée de la bande-son de Blade Runner ; une flûte dissonante alliée à un drone profond sur la « Brèche du Bénou », une version électronique de la scène néo-trad’ qui sévit actuellement en France.
La Française Tryphème inaugure une deuxième partie plus mélodique avec le morceau le plus pop de la compilation (la barre n'était pas difficile à atteindre et, même là, on n’est pas vraiment sur du Abba). Un radoucissement de l’ambiance qui continuera avec un solo au synthé de l’incontournable Frédéric D. Oberland (Oiseaux Tempête, Foudre!) ou encore « Dórica » de Vic Bang qui s’amuse avec des sons qui font zigouigouis. Le disque se conclut comme il avait commencé : en tirant vers l’ambient sur la « partition lunaire » du duo montréalais Le Désert Mauve.
Même si l'éclectisme de la compilation n’évite pas certaines répétitions, notamment sur les sonorités électroniques qui font la part belle aux plug-ins de DX7 sous reverb, les voix monocordes et les bruits d’ambiances urbaines dignes des meilleures applications d’aide au sommeil. Aa. Vv. est une compilation froide, étrange, nocturne, ambitieuse... Une photo de groupe idéale pour découvrir la classe des nouveaux talents de l’expérimentation électronique.