A Weekend in the City
Bloc Party
C'est peu de dire que les Bloc Party ont beaucoup fait parler d'eux en 2004. En fait, avant même d'avoir sorti un album complet, le groupe était encensé par toute la presse dite autorisée et, sur la foi de quelques singles bien foutus, comme "Banquet" ou "Helicopter", était porté sur les fonts baptismaux - de manière très surfaite selon le rédacteur de ces lignes, guère convaincu par un premier album qui tentait maladroitement de surfer sur une vague déclenchée par le pavé de Franz Ferdinand, tout en faisant montre de maladresses certes pardonnables pour un premier LP mais franchement gênantes compte tenu de la hype qui l'entourait alors. D'ailleurs, deux ans plus tard, que reste-t-il de Silent Alarm hormis les singles précités ? Pas grand-chose en vérité sinon un million d'exemplaires écoulés.
Par conséquent, l'annonce d'un second album du groupe emmené par Kele Okereke n'a pas éveillé en moi beaucoup plus qu'une moue timide. Moui, et alors ? Eh bien contre toute attente, ce Weekend in the City est une bonne surprise. Incontestablement plus sombre, plus ambitieux que Silent Alarm, cet album est également bien plus varié et, au final, bien plus attachant. Certes musicalement toujours plus ou moins inspiré par The Cure (pour la voix) et Gang of Four (pour les rythmiques déchaînées), Bloc Party a toutefois tenté une première révolution par les textes, profondément réalistes et désabusés ("Drink to forget your blues on the weekend / Think about more things to buy / The TV taught me how to sulk and love nothing" sur "Uniform", l'un des meilleurs morceaux de la galette) censés décrire l'ennui de la jeunesse le week-end dans une métropole occidentale. Une réussite de ce point de vue.
Emmené par un excellent premier single dance punk comme le groupe sait les produire, "The Prayer", dynamique et entraînant, A Weekend in the City est globalement mélodique et rythmé, mais ô surprise, également dense et torturé, comme la ville qui l'a inspiré, quand Silent Alarm sonnait creux et se contentait d'une artificialité particulièrement pénible. De nombreux titres émergent : "Hunting for Witches", parmi les morceaux les plus rapides, "Uniform" et "The Prayer", donc, mais également "On", que le chant d'Okereke et les paroles amères rendent très attachant.
Au final, beaucoup moins pop et superficiel que Silent Alarm, ce second opus est franchement intéressant et lorgne assez ouvertement sur des chefs-d'œuvre urbains comme Without You I'm Nothing de Placebo, dont il partage le côté désabusé, et Gotham! de Radio 4, auquel il emprunte une énergie indéniable. L'effort de renouvellement et d'approfondissement est là, c'est appréciable. Sans doute moins voué au succès commercial que son aîné faute d'être aussi accessible, ce Weekend in the City, qui rend un brin de crédibilité à un groupe qui n'en avait guère à mes yeux, mérite clairement de passer plus d'un week-end dans votre lecteur CD.