A Night at the Opera (30th Anniversary Edition)
Queen
Depuis la mort de Freddie Mercury le 24 novembre 1991, Queen reste l’un des plus gros vendeurs de disques dans le monde, avec des cargaisons d’albums écoulés chaque année. EMI, qui gère le catalogue du groupe (une quinzaine d'albums studio et quelques lives, sans compter les compilations), entretient patiemment et ardemment le feu sacré qui continue d’animer les millions de fans dévoués, et en particulier au Japon, où Queen bénéficie d’une aura comme nulle part ailleurs.
Pour l’anecdote, et en caricaturant à peine, il est impossible de se promener dans un magasin de disques à Tokyo sans y entendre "Radio Gaga" ou "We are the Champions" en fond sonore et sans y trouver un rayon entier blindé de raretés et autres bootlegs mythiques indispensables à tout fan qui se respecte. Et c’est également uniquement au Japon (ou bien en import à un prix prohibitif) qu’il était jusqu'à présent possible de se procurer des versions collector de chaque album, en particulier les fameuses rééditions parues bien opportunément pour les 30 ans du groupe sous des pochettes façon vinyle.
C’est donc avec une certaine surprise que l’on a appris la sortie en France ces jours-ci d’une édition spéciale de l’un des albums les plus emblématiques de Queen, A Night at the Opera, à l’occasion des 30 ans de sa sortie, en 1975. Naturellement, on a beau posséder l’essentiel de la discographie de Queen depuis des années, il est difficile de résister au plaisir de se procurer cette édition qui s'avère très intéressante par son contenu. En effet, elle se compose d’une première galette comprenant l’album original remasterisé selon les techniques les plus modernes, ainsi que d'un DVD bonus sur lequel est gravé l’album en version DTS 5.1 et des clips d’époque ou créés pour l’occasion, le tout emballé dans un coffret cartonné plutôt sympathique (avec l'emblème en relief !).
Que dire de cet album, qui restera pour l’éternité encensé par les uns et détesté par les autres ? On le sait, deux grandes périodes caractérisent la musique de Queen : grosso modo, avant The Game (1980), le groupe, initialement très influencé par Led Zeppelin et le rock progressif, se façonne un « son » bien à part, forgé par les hurlements de la Red Special de Brian May, la voix (incomparable, inégalable) de Freddie Mercury et le jeu de batterie abrasif de Roger Taylor. Après 1980, Queen découvre les joies des synthétiseurs et s’aventure avec plus (The Game, précité) ou moins (Hot Space, 1982) de réussite dans un rock FM aujourd’hui globalement assez daté.
Evidemment, A Night at the Opera, qui forme un diptyque avec A Day at the Races (sorti un an plus tard, en 1976, et très inférieur), constitue la pierre angulaire de cette première période. Voici un disque très éclectique, foisonnant, composé pour l’essentiel de perles pop indiscutables ("Love of my Life", "You’re my best Friend"), de délires rock prog qu’on jugera indigestes ou brillants selon sa propre sensibilité ("Bohemian Rhapsody", bien sûr, "The Prophet’s Song"), de rock songs encore très fréquentables ("Death on two Legs", "Sweet Lady") et de kitscheries mercuryennes épouvantablement géniales ("Seaside Rendez-Vous", "Lazing on a Sunday Afternoon").
30 ans après sa sortie, cet album fait bien sûr figure de dinosaure du rock seventies et pourrait paraître atrocement périmé sur bien des aspects, Queen n'ayant jamais fait dans la demi-mesure en ce qui concerne le mauvais goût. Pourtant, A Night at the Opera (titre emprunté aux Marx Brothers) conserve un intérêt musical absolument intact qui, qu'on se le dise, ne tient pas qu'à une approche exclusivement historique du rock. Parfaitement maîtrisé, extrêmement bien produit compte tenu de son âge, cet album résiste merveilleusement bien à l'usure du temps grâce à sa grande modernité pour l'époque et, surtout, à l'excellence absolue de ses compositions.
Alors, déjà incontournable - que dis-je ? indispensable ! - dans son édition normale (bien supérieure à toutes les pâles copies actuelles, pathétiques The Darkness en tête), il bénéficie ici en plus dans l’édition DTS 5.1 d’un traitement sonore particulièrement excellent et reproduisant toutes les nuances originelles, avec parfois quelques subtiles modifications par rapport aux versions que l’on a pu connaître jusqu’à présent. Il est vraiment difficile de retranscrire par écrit le plaisir ressenti par la redécouverte en son surround de ces chansons que l'on a écoutées encore et encore durant toute son adolescence et que l'on connaît miraculeusement encore par coeur la trentaine approchant. Vous l'aurez compris, tout syndrôme de collectionnite aiguë mis à part, l'achat de cette Collectors Edition n'est pas du tout superfétatoire puisqu'elle apporte beaucoup à la version "classique" de 1975, ne serait-ce que sur un strict plan musical.
En ce qui concerne les clips, seuls "Bohemian Rhapsody" et "You’re my best Friend" sont d’origine (pattes d'éph et cheveux longs de rigueur...), les autres morceaux étant quant à eux illustrés d’images d’archives, animées ou non, sans beaucoup d'intérêt. La cerise sur le gâteau, ce sont en fait les commentaires audio de May, Taylor, Mercury et Deacon qui glosent globalement sur l'histoire du groupe (et non, malheureusement, sur la genèse de chacun des titres, ce qui aurait pu s'avérer passionnant). En bref, voici le cadeau de Noël idéal pour tout adorateur de Queen, et nul doute qu’il trônera au pied de bon nombre de sapins, maintenant de fait les niveaux de vente de ce groupe déjà multimillionnaire et cultissime.