A Long, Eternal Fall

Comity

Throatruiner Records – 2017
par Antoine, le 31 mai 2017
7

Le style de Comity est tout entier décrit dans sa force débridée par la structure temporelle de leur meilleur disque, As Everything is a Tragedy. Découpé en 99 morceaux très courts, c'est un énorme déluge qui se fixe quelques secondes dans des semblants de riffs, de motifs, de mélodies, tout de suite inondés et récupérés par le grand torrent. Un style metal’n’roll franchement inspiré, qui donne le sentiment d’un minutieux travail de composition, d’une organisation du chaos, sans rien perdre en spontanéité. Et depuis, il faut pas croire, c’est toujours autant le joyeux bordel, mais le groupe a choisi de ralentir un peu la vitesse et de revenir à des longueurs plus classiques. A Long, Eternal Fall s’inscrit dans cette logique en faisant la part belle au mid-tempo (« V », « I »), avec une moyenne raisonnable de morceaux à 5 minutes.

Mais en vérité, c’est plutôt la tonalité qui a changé depuis As Everything. Comity a laissé derrière lui quelque chose de l’inquiétante étrangeté qui planait sur As Everything ou l'excellent EP qui l’a suivi, You Left us HereA Long, Eternal Fall, c'est moins un chaos de forces aveugles, même si la violence brute est au menu (« VI »), avec des plans de batterie tentaculaires et une basse pachydermique, très écrasante. Leur musique est devenue plus humaine, plus chargée d’affects. Les voix, moins mises en avant que par le passé, sont plus rassurantes, sonnent plus « humaines », grâce à l’adjonction au growler habituel d’un choeur de gueulards neurosiens. Les riffs de gratte, beaucoup plus franchement emo qu’auparavant, vont aussi dans ce sens, avec des leads aiguës (« II », « IV ») et de bien jolies mélodies (« IV »). Cerise sur le gâteau, il y a par moments un soupçon d'influence black metal — via Celeste ? voir « I » par exemple, ou les rouleaux compresseurs sur « III ».

Il s’agit donc là d’une franche réussite dans le raffinement de leur style personnel. A Long, Eternal Fall conserve l’aspect imprévisible-vénère qui faisait le charme de leurs précédents skeuds, en ménageant heureusement quelques moments emo et accalmies de bon aloi (« VII »). Leur tout premier clip pour l’intro « I », sorte de crescendo descrendo bien méchant, corrobore étonnamment cette réussite : je dis « étonnamment » car il s’agit d’un clip à scénario, et généralement, je trouve que les grosses guitares s’accommodent mal d’images assez statiques. Mais pour le coup, ça fonctionne, la violence musicale rend bien la rudesse du climat montagnard et l’effort fourni par ce malheureux jeunot à l'écran, qui trimballe sa poupée dans l'hiver. Et pourtant, les images contrastent avec le son de ce disque, bien plus "chaud" qu'à leurs glaciaux débuts !