A Fever Dream
Everything Everything
“On voulait faire une sorte de rock du futur cette fois et faire danser les gens en balançant des messages sérieux", cette phrase mélangeant naïveté et suffisance nous vient du leader de Kasabian, Serge Pizzorno, qui tentait d’expliquer le processus créatif du décevant 48:13 en 2014. Si on a jamais vraiment eu de révélation métaphysique en lisant les textes de l’ami Sergio, un autre groupe briton réussit depuis quelques années à mélanger une musique qui donne des fourmis dans les jambes avec une réflexion plus poussée que “Eez Eh”. Ce groupe, c’est Everything Everything.
Les Mancuniens partaient quand même de loin: ils avaient d'abord sortis Man Alive en 2010, disque bordélique au possible, qui empilait des dizaines d'idées par chanson jusqu'à parfois en saouler l'auditeur. Chez certains (poke The Coral), ce fleurissement d’idées pouvait rendre les chansons riches et légères. Sauf qu’Everything Everything aime bastonner, et donne peu de temps morts à ses albums, l’épuisement perle donc rapidement lorsque la formule est trop chaotique. Mais voilà, les mecs sont bourrés de talent, ils ont donc évolué et peaufiné leur formule, jusqu’à atteindre un joli sommet critique et populaire en 2015, avec Get to Heaven.
Plus de deux ans après le coup de maître affleure donc une grande question existentielle: que faire quand on semble avoir tiré le maximum de sa recette ? Sur A Fever Dream, les Anglais y répondent par une continuité froide, en poppisant toujours plus leurs hymnes dansants et en gardant leur formule de ces 6 dernières années, faite de rupture de tons, de basses bien lourdes et refrains fédérateurs. Mais le vrai problème dans A Fever Dream réside dans l'équilibre, car le fédérateur peut sans problème flirter un peu avec le putassier, tant qu’il ne nous fait pas passer pour des auditeurs faciles.
On se rend surtout compte que la formule Everything Everything repose sur des fondations pète-gueules. La voix de Jonathan Higgs est d’une amplitude remarquable, et peut passer aisément d’un couplet scandé au refrain lyrique, mais son chant peut considérablement alourdir une chanson. De même, la guitare d'Alex Robertshaw, brillante dans l’arrière plan de “Run the Numbers”, semble sous-utilisée, bouffée par l’ensemble rythmique.
Pas de trop grandes inquiétudes quand même, la majorité des titres sont solides. Mention spéciale pour la première moitié de l’album, où le côté bulldozer de “Night of the Long Knives” ou du Musesque (mais pas désagréable) “Desire”, nous font oublier Get to Heaven. La fin de l’album est malheureusement plus dispensable, tant les chansons sont étirées jusqu’au dégoût. A Fever Dream tombe alors dans l’inconstance, rien de vraiment déshonorant certes, mais on reste un peu tristes devant ce que l’album aurait pu être en coupant les deux dernières minutes des 5 derniers morceaux.
Semi-réussite donc pour A Fever Dream, où Everything Everything trébuche sur les obstacles pavant la carrière de tout groupe qui se veut grand. Au vu de la régularité de production du groupe, rendez-vous dans deux ans pour voir si les faiblesses de A Fever Dream étaient les prémices d’un déclin artistique, ou juste un manque d'exigence passager.