A City Gone Mad w/ Fever
Sayem
Composer la bande originale d’un film est le rêve d’une quantité incroyable de musiciens, une ligne de plus au CV que peu peuvent se targuer d’avoir inscrite. Et clairement, Sayem aimerait bien faire partie de cette caste de privilégiés. Il n’y a qu’à entendre le bruit de bobine qui ouvre A City Gone Mad w/ Fever pour s’en convaincre. Mais voilà, ce genre de proposition n’a jamais atteri dans sa boîte mail. Au mieux a-t-il pu composer les bandes-son de publicités vantant les mérites de la coupe du monde de rugby et de Nokia. On repassera pour le street cred’ en béton armé ou le projet qui vous fout des étoiles pleins les yeux. Mais il faut bien bouffer, merde. Et puis il s’en fout Sayem, il le veut son album-concept et il l’aura. Alors les images de son long métrage, il va se les inventer dans sa petite caboche de producteur ambitieux, et ce second album du Français sera la B.O. d’un film imaginaire où s’entremêlent série B et super-héros un brin losers.
A 31 ans bien tassés, Sayem sait où il va, il a les idées bien claires, le bonhomme. Son disque sera une célébration du synthé vintage, une épopée stellaire et sombre où mélancolie, déprime et noirceur se font la nique en permanence, sans pour autant qu’on ait l’impression de sombrer dans un pathos de bas étage. Accompagné de Flairs, à qui il a certainement emprunté quelques idées sur la B.O. dont il s’était fendu pour l'hilarant Les beaux gosses, Sayem fait pleurer ses synthés, mais ne joue pas les spectateurs passifs de ce spectacle pourtant ravissant pour les oreilles. Non, le producteur se mue invariablement en songwriter, façonnant de la pop song qui va droit au coeur, adaptant ses compositions montées sur ressorts aux personnalités des différents intervenants en charge de l’habillage vocal, comme les rappeurs TTC-isants de DSL ou la folkeuse à fleur de peau Le Prince Miiaou. A l’arrivée, celui qui était il n’y a pas si longtemps catalogué producteur de hip hop réussit une reconversion particulièrement réussie dans le monde de la synth-pop, prenant ci et là de bonnes idées chez d’illustres modèles et compatriotes (on pense souvent à M83 et Daft Punk) mais ne donnant jamais l’impression de singer sans la moindre classe ou ambition.
Album plein et entier, A City Gone Mad w/ Fever est une franche réussite. Alors oui, il ne l’a peut-être pas eue sa B.O. de beau grand récit futuriste et nihiliste à la Sin Cty ou Blade Runner, mais Sayem aura au moins au la politesse de nous pondre un album excellent, ce qui n’est pas donné à tout le monde.
PS: la version limitée de l'album se présente sous la forme d'un fanzine de 32 pages mis en image par le dessinateur Artus de Lavillèon dans l'édition limitée de l'album. Chaudement conseillé.