500 Key
Key Largo
Booba nous l'avait dit en 2015 : "La piraterie n'est jamais finie". Le Français le plus connu de Miami rappe depuis plus de 20 ans et n'a de cesse de populariser des tendances, des manières de rapper ou des expressions à travers la francophonie. Mêmes ses références servent de point d'appui pour certaines générations, à l'instar du duo Key Largo, qui a pêché ce nom au milieu du sombre océan qu'est "LVMH". C'est ainsi que Digba et MNKS larguent les amarres.
L'un est plutôt carré, maîtrise le bagage technique d'un rappeur des années 2010 tandis que l'autre, plus frivole, est passionné par le rap du sud des USA, joue avec les tonalités de sa voix comme Kirua avec ses yoyos et est l'auteur du tag le plus cool de l'année - "C'EST IMPORTANT". Venir du Val d'Oise et espérer une longue et belle carrière dans le rap n'a jamais semblé possible, à quelques exceptions près, mais MNKS et Digba ont su attirer les projecteurs en direction de Gonnesse, leur petit Key Largo à eux, avec un rap mêlant savamment l'humour des quartiers populaires à ses aspects plus sulfureux, le tout sur des productions semblant venir tout droit de Memphis.
En peu de temps, l'énergie des deux hommes a su attirer de grands noms autour d'eux. Et présenter un premier projet en major dans lequel participent le potentiel meilleur producteur de rap français de la décennie, (Myth Syzer), ainsi que le potentiel meilleur rappeur français de la décennie (Alpha Wann), ne peut qu'être valorisant et de bon augure pour la suite. Le bond en avant entre 500 Keys et leur précédent projet est évident. Cette galette fait un meilleur étalage des qualités que l'on décelait déjà auparavant. Ainsi, les rues sauvages de Gonnesse sont comparées aux favelas brésiliennes avec la dose de violence nécessaire, les forces de l'ordre sont régulièrement moquées et la notion de fraternité est aussi importante que leur tag le laisse supposer. Et s'il est clair que le duo perdrait très vite en consistance sans MNKS, comme NTM sans Kool Shen ou Outkast sans Big Boi (toute proportion gardée), on se sent tout de même obligé de souligner la performance vocale incroyable de Digba. Oscillant entre l'horrifique et le cartoonesque, la moitié du groupe est l'électron libre, trouvant sans cesse de nouvelles manières de vociférer et de provoquer en nous l'envie de turn-up.
L'humour bien gras, les basses bien calibrées, les rimes fraîches et authentiques... Key Largo n'a certes pas tout les atouts en main (ils ne viennent pas du 91, pour commencer), mais a déjà une identité bien précise, et les bangers qui vont avec. Ce n'est que le début de l'aventure sur les mers très agitées du rap jeu de la fin des années 2010, mais on a envie de croire qu'à l'avenir, Key Largo sera capable de s'emparer d'un gros magot. La piraterie ne fait que commencer.