30 Seconds To The Decline Of Planet Earth

Jesu / Sun Kil Moon

Caldo Verde – 2017
par Michael, le 18 mai 2017
5

On va évacuer notre ressenti d’entrée : cette deuxième collaboration entre Mark Kozelek et Justin Broadrick est une déception. Le premier album sorti l’an dernier (parmi les meilleurs de 2016) tirait une grande partie de sa force dans la pertinence de la fusion de deux visions, tant au niveau sonore que sur le plan des textes. Le terme de collaboration n’était ici pas galvaudé et confirmait que 1+1 peut parfois faire plus que deux. On ne peut pas en dire autant de 30 Seconds to the Decline of Planet Earth.

Une chose est claire à l’écoute de ce deuxième album : l’intention était de ne pas se répéter. Le pari était louable et il est réussi. Là ou précédemment le magma sonore des guitares des Broadrick irradiait la logorrhée de Kozelek pour le meilleur effet, celles-ci sont cette fois restées au placard. L’accent aura été mis sur les claviers, et quelques arpèges de guitare de-ci de-là. Une version "ligne claire" en somme, musicalement plus apaisée et contemplative: la dynamique est cette fois-ci uniquement apportée par les scansions de Kozelek, ayant toujours autant de choses à dire sur tout et n’importe quoi, la moindre anecdote servant de point de départ à des tourbillons de pensée pouvant mener assez loin. Là-dessus Kozelek fait ce qu’il fait désormais depuis quelques années, à savoir observer et décrire le monde à travers sa petite personne. Cela restera toujours brillant et pertinent, acerbe, sans concessions, parfois ridicule et souvent drôle pour ceux qui adorent, mais aussi terriblement agaçant pour ceux qui ne supportent plus les humeurs du personnage.

Le problème est donc plus musical et donne un peu l’impression d’un plat manquant cruellement d’assaisonnement. Il y a de bons moments, voire de belles réussites, notamment dans la première partie de l’album. La structure de « You Are Me and I Am You » est intéressante, la voix de Kozelek presque effrayante dans ses dissonances. On citera également les 17 minutes de « Wheat Bread » qui malgré sa longueur passe comme une lettre à la poste ou encore les très belles mélodies de « Needles Disney » et « The Greatest Conversation Ever in the History of the Universe », sans doute le plus beau titre de l’album - ou comment aborder dans le même morceau la mort de Lou Reed, les attentats, Mohammed Ali, Donald Trump, et le récit d'un premier voyage à New York.

Sur le reste on est plus dubitatifs, la formule a du mal à fonctionner, quand elle ne s’enlise pas carrément dans le limite sur « He’s Bad » (sur Michael Jackson) qui sent le texte trop vite torché, sans grand recul, sans la finesse de point de vue habituelle pour un sujet qui en méritait quand même un peu plus. La puissance de frappe de Jesu habituellement si évocatrice est complètement délaissée au profit d’une mise en sons trop terne et sans grandes nuances. Mais il y a également un problème de longueur et d’essoufflement; on attend une remontée sur la fin de l’album qui ne viendra pas et on le fini avec un mélange de lassitude et de trop peu. Au final, le problème aurait peut-être été réglé si Kozelek et Broadrick s’étaient contentés de sortir un EP plutôt que de pousser la formule dans des retranchements qui ne la servent pas et où clairement on ne retrouve pas le meilleur de Jesu et de Sun Kil Moon. Comme quoi il faut parfois s’arrêter avant le dessert.

Le goût des autres :
5 Maxime