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The Ex

Ex Records – 2010
par Simon, le 22 janvier 2010
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Être punk c’est une chose, le rester en est une autre : voilà bien l’antithèse du mouvement. Au décompte final, rares sont les groupes à avoir maintenu leur ligne de conduite anarchiste à travers les âges, et c’est peut-être là une des clés de la légende The Ex. En effet, la formation amstellodamoise est avant tout un exemple de rigueur, d’absence totale de concessions au cours de ces trente longues années de carrière. Tout cela valait donc bien un best-of, une synthèse de plus de vingt albums et mille dates de concert aux quatre coins du globe. En raison de l’ampleur du projet, sélectionner une trentaine de tubes du groupe se révèlera vite comme une pénitence tant sa discographie regorge de projets, de nouvelles directions et de collaborations en tous genres, le tout marqué par une cohérence et un savoir-faire qui fera de chaque titre un tube pour lui-même.

Car qui peut se vanter d’avoir su passer par le noise-rock, les musiques traditionnelles (en l’occurrence éthiopienne) et le free-jazz tout en conservant le gras de ses lignes de basses et la hargne au cœur des cordes vocales ? The Ex (dont le nom a été minutieusement choisi pour faciliter les campagnes promo par graffiti) c’est tout cela : c’est l’histoire du mythe underground passant par tous ses états de grâce, évitant comme il peut les split successifs (qui auront eu le mérite de révéler au public le guitariste de génie qu’est Andy Moor) et acquérant contre son gré une réputation internationale, eux qui s’étaient destinés au bras de l’anarchisme perpétuel. Cet anarchisme là n’est pas un anarchisme de destruction mais bien une logique de protection, avec au cœur de leur système une place pleine et entière pour la liberté, moteur essentiel de la machine The Ex.

Alors en tant que bastion impénétrable de la fougue libertaire, les natifs d’Amsterdam n’auront eu de cesse de se battre pour que vivent les rencontres musicales (Sonic Youth, Fugazi, Tortoise, Zu, Dj/rupture), l’anticonformisme heureux et la création musicale sans contraintes. C’est bien là le génie du groupe, tirant sa logique vers le haut là où la majorité de ses confrères punk se complaisaient dans l’autosatisfaction (qui rime musicalement avec autodestruction) d’une vision à court terme. Le punk comme une fin en soi (à l’instar du dadaïsme) n’a jamais servi ses défenseurs, The Ex l’a compris et s’en est sorti à la force d’une conviction inébranlable, de guitares au vitriol et de vocaux acides – le tout en ayant banni tout esprit de corporation. Cette attitude est tellement rien et tellement tout à la fois, les différenciant dans la seconde de tous leurs collègues moins chanceux.

On pourrait encore en dire beaucoup sur ce jeune crew avant-punk d’Amsterdam devenu vieux aujourd’hui, le mieux étant peut-être de se laisser convaincre par l’écoute, de s’imprégner jusqu’aux os de la violence déguisée de cette musique, de l’ingurgiter jusqu’à en vomir, gardant seulement au fond du bide l’instinct de revendication. Plus qu’un exemple d’humilité, The Ex vient là de réaliser la photographie presque définitive d’une carrière unique en son genre, n’attendant plus que vous pour grossir le rang des dissidents.

Le goût des autres :
7 Laurent