2020

TripleGo

Jihelcee Records – 2017
par Tariq, le 2 mai 2017
7

A quoi aurait ressemblé PNL si les deux frangins n'avaient pas connu un succès éclair, s'ils avaient écouté davantage de rap hollandais et de Kid Cudi que de Lil Durk, et s'ils avaient grandi dans ce bouillon culturel qu'est la ville de Montreuil? TripleGo est peut-être la réponse à cette question. Il est étonnant de constater que malgré les nombreuses similitudes que partagent les deux formations - leurs musiques respectives pourraient être rangées sous le même vocable de 'rengaine de bicraveur déprimé sur productions planantes', les Montreuillois parviennent à sonner parfaitement originaux.

Le duo formé par le emcee Sanguee et le beatmaker Momo Spazz est à la fois plus raide, plus métallique, et plus détendu que PNL - ils revendiquent eux-mêmes l'étiquette de "hippies du 9-3". Ainsi TripleGo s'enfonce aux deux extrémités du spectre émotionnel proposé par les frangins de l'Essonne : d'un côté, une dureté engourdie à la vie de rue, de l'autre, un besoin certain d'évasion. De fait, Sanguee et son producteur s'adonnaient à ce style, résumé sous l'appellation trompeuse de 'cloud rap', bien avant l'avènement du crew QLF : leurs trois premiers EPs (Eau Calme et Putana en 2014, et Eau Max l'année dernière) exposaient déjà cette singularité et un songwriting rien de moins qu'époustouflant. Des qualités qui éclatent au grand jour sur 2020, premier de leur projet à bénéficier d'une exposition plus conséquente. 

Les oreilles fines comprendront qu'il est vain de comparer les Dionysiens au duo massif de l'Essonne : s'ils sont bien les enfants de la même époque, TripleGo trace un sillon qui lui est propre. Sur 2020, ils accouchent, l'air de rien, d'un rap purement fusion, instillant dans leur 'musique émotionnelle de la street' des éléments étranges, bigarrés : chants en arabe, rythmiques tribales et interludes ambient. Bien que perdant un peu de sa force dans sa deuxième moitié, 2020 est une superbe fresque multicolore, un voyage aux confins de la psyché de la jeunesse banlieusarde ; des mornes paysages de la périphérie parisienne jusqu'aux montagnes du Rif. #OLaWaii