1992 - 2000
Atari Teenage Riot
C'est bien connu, avec le temps, l'être humain s'habitue à tout et il finit toujours bien par s'accommoder bon gré mal gré d'une chose qui pouvait lui sembler insupportable ou dérangeante de prime abord. Dans mon cas, ceci vaut pour à peu près tout sauf pour la musique des Allemands de Atari Teenage Riot. A l'époque où j'ai entendu pour la première fois les attaques soniques du groupe berlinois, je devais avoir une quinzaine d'années et mes idoles avaient pour nom Pantera ou Sepultura, des groupes dont la brutalité semblait alors atteindre des sommets. Aujourd'hui, la musique de ces deux groupes ne me paraît pas plus corrosive que le dernier single de Pascal Obispo. Par contre, celle d'Atari Teenage Riot, qui reçoit aujourd'hui les honneurs d'une compilation, n'a elle rien perdu de cette violence pure et de cette agressivité incontrôlable qui ont fait son succès dès le début des années 90.
En huit années d'une carrière agitée qui s'est terminée de façon plutôt abrupte suite à l'overdose fatale de l'un de ses membres en 2001, les fers de lance du "digital hardcore" (un mélange détonant de punk, de trash, de techno hardcore et de jungle créé et codifié par Alec Empire, chanteur de ATR) ont sorti pas moins de trois albums et un live qui sont autant de manifestes gauchistes, anti-fascistes et anarchistes écrasant absolument tout sur leur passage. Union corrosive de connivences tant politiques que musicales, la musique d'Atari Teenage Riot a tout d'un combat d'ultimate fighting entre Kerry King, Manu le Malin et Chuck D. avec pour ring une Allemagne en proie à l'incertitude post-réunification. Avec des titres aussi évocateurs que "Deutschland Has Got To Die", "Start The Riot", "Destroy 2000 Years Of Culture" ou "Hetzjagd auf Nazis!" (La chasse aux Nazis), le message était clair: éveiller les consciences en faisant le maximum de grabuge possible. Que ce soit en première partie de la tournée européenne de Nine Inch Nails, dans un rassemblement anti-fasciste au fin fond de l'Allemagne ou sur cette compilation riche de 18 titres (dont plusieurs inédits), l'énergie déployée par Alec Empire, Carl Crack, Hanin Elias et Nic Endo n'a d'égal que la noirceur oppressante qui se dégage des titres façonnés par le groupe.
Aujourd'hui, la vision apocalyptique du monde envisagée par Atari Teenage Riot n'a rien perdu en pertinence et la musique du groupe semble plus violente que jamais. Alec Empire a bien entamé une carrière solo couronnée de succès, mais celle-ci n'est nullement comparable au vent de révolte que son premier groupe avait tenté de faire souffler sur le monde. Et cinq ans après la disparition d'Atari Teenage Riot, cette compilation est la preuve ultime que la relève se fait plus qu'attendre. Et il suffit de jeter un œil rapide sur la situation politique de nombre de pays européens pour se dire que la situation est plus urgente que jamais.