1977
Kölsch
Cette année, Kompakt fête ses 20 années d’existence dans une certaine indifférence. En effet, il paraîtrait que le label n’a plus le vent en poupe, qu’en 2013, le ‘son Kompakt’ est dépassé. Ce qui va nous permettre de tordre le coup à une légende urbaine qui circule dans certains milieux probablement mal informés: le son Kompakt n’existe pas. Certes, à une époque, certains membres du label ont pu se retrouver dans une musique froide aux confins de la house et de la techno, mais il n’y avait certainement pas là derrière la volonté de favoriser l’émergence d’une esthétique propre à la maison de Cologne. D’ailleurs, la riche discographie du label suffit à nous le prouver: la structure fondée par le trio Wolfgang Voigt / Michael Mayer / Jürgen Paape a toujours valorisé l’ouverture et la diversité. Car il faudrait se lever tôt pour trouver de nombreux points communs aux boucles infinies de The Field, à la house maximaliste de Gui Boratto ou à la techno sous perfusion disco de Justus Köhncke. Aussi, il serait temps de revaloriser Kompakt et d’oublier qu’à une certaine époque, une presse probablement en manque de hérauts en a probablement mis une couche de trop.
D’autant que les bons disques continuent d’affluer sur la structure. Repéré suite à quelques maxis extrêmement efficaces pour la fameuse série Speicher (six titres au total, qui se retrouvent tous ici), le Danois Rune Reilly s’offre enfin un premier long play qui porte bien son nom puisque 1977 affiche l’air de rien 80 minutes au compteur. Et c’est beaucoup, pour un album de ce calibre. Car il n’y a pas chez Kölsch une volonté de jouer la carte des circonvolutions pouet-pouet ou de l’interminable bidouillage: le producteur est juste généreux dans un effort qui le voit flatter nos instincts les plus basiques de fêtards. Club track après club track, Kölsch bâtit un édifice qui perd en cohésion ce qu’il gagne en puissance. Il y en aura toujours pour trouver 1977 putassier, facile ou carrément démago, mais ici on se rangera du côté de ceux qui comprennent que ce n’est pas parce que l’on met un peu d’eau dans son vin qu’on est forcément un pauvre type.
Car il y a chez Kölsch un vrai savoir-faire, au service d’une écriture extrêmement dynamique qui ne se gêne pas pour aller prendre les bonnes idées là où elles se trouvent. Qu’il donne dans la house old school, la new wave la trance, les turbines electro héritées du premier Boys Noize ou la tech-house à la Paul Kalkbrenner, tout est à chaque fois recyclé avec brio – alors que sur papier cela semble assez scabreux, on en convient. Cela donne des tubes en pagaille, connus ou en devenir : « Der Alte », « Basshund », « Silberpfeil », « Oma », « All That Matters » ou l’extatique « Goldfisch » sont autant de bombes maximalistes sur lesquelles vous avez probablement déjà dandiné du fion cet été en vous disant que malgré des ficelles assez énormes, il était vain de résister aux coups de butoir assénés par Kölsch. Après, 1977 résiste certainement moins à une écoute domestique, car il lui manque ce liant qui pourrait transformer cet enchaînement de singles en un véritable album. Mais ce sera pour la prochaine étape.