12
Westside Gunn

Si les meilleures blagues doivent nécessairement être les plus courtes, la carrière de Westside Gunn est la pire jamais racontée. Troisième projet en cinq mois, 12 est là pour attester de la volonté annoncée du emcee d’inonder le marché et de prouver à tous qu’il est le numéro un qu’il pense être. « Can’t nobody f—k with me. I’m that one. Listen, your favorite rapper is f—kin’ trash. We don’t need no gimmicks over here, none of that f—kery. This sh—t is art, this sh—t is culture. Them n—as need 50 n—as in the office and it’s only me rockin’ all this f—kin’ Louis Vuitton just being Super Fly Godzilla, man. » Pour ceux qui se seraient posé la question à mille euros : oui, Griselda bande toujours dur. Et son chef d’orchestre ne semble pas encore prêt à lever le pied. Qu’y a-t-il à dire de plus ici ? La moitié de la rédaction, noyau de fans hardcore du crew de Buffalo depuis ses débuts, n’en peut plus de parler des dizaines de projets qui nourrissent la domination totale de cette team sur le rap ricain depuis dix ans. Une association à géométrie variable qui a finit de couronner les meilleurs rappeurs, les meilleurs producteurs, les meilleurs couplets et les meilleurs featurings.
Du coup, on fait quoi ? Et bien, on prend les mêmes, et on recommence. On prend soin d’interchanger les copains qui viennent poser à la cool (cette fois-ci il n’y en aura que pour le sous-estimé Stove God Cooks, Estee Nack, Brother Tom Sos et Elijah Hooks), on rappelle les meilleurs producteurs (Conductor Williams, Daringer, Denny Laflare) et on est parti. Pas besoin d’aller chercher plus loin. Le résultat ? Comme dirait le sommelier dans la dernière saison de H en servant son château Pétrus à Jamel Debbouze : « le produit est en accord avec la noblesse de ses origines ». Les prods de jazzeux classieuses au possible sont évidemment de la partie et forment la base inamovible sur laquelle le Gunn et ses potes découpent tout. Aucun détail n’est nécessaire pour le reste, ces mecs se posent littéralement sur tout ce qui ressemble de près ou de loin à une rythmique (avec ou sans beat, on n’est plus là-dessus) et déroulent comme les goat qu’ils sont. Il y a une telle intensité dans cet art de la prose que rien ne semble pouvoir constituer le moindre embryon d’obstacle, tant dans le fond que dans la forme.
On ne parle même plus de Westside Gunn ici, on parle de cette team élargie, jusqu’à leur entourage, de tous ceux qui participent d’une manière ou d’une autre à l’écriture de ce qui semble être une des plus belles prophéties du rap moderne, un retour du Messie permanent depuis maintenant une décennie. Quelle utilité dès lors d’aller encore préciser la somme des dégâts que peut produire un Stove God Cooks au maximum de sa capacité ? Doit-on vraiment encore répéter que cette équipe est une forme d’alpha et d’oméga du hip-hop ? Doit-on vraiment encore parler de Griselda, du « Ayo » le plus légendaire du rap jeu ? Finalement, on s’en est toujours foutu de savoir qui de CR7 ou de Messi était le meilleur, il fallait juste profiter d’eux tant que c'était là, sous nos yeux. Pour la beauté de la discipline, pour l’amour de la chose parfaitement faite. Alors, profitez maintenant de Westside Gunn et de toute sa clique, tant qu’il en est encore temps.