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Alors que Portishead se paie quelques dates estivales en Europe histoire de boucler les fins de mois, aucune info n'émane du groupe quant à la sortie d’un quatrième album. P3 est quand même sorti en 2008, soit un millénaire dans l’histoire de l’actualité musicale. Geoff Barrow, en véritable hydre de la formation de Bristol, a rejoint début 2012 le label Stones Throw pour un projet hip-hop gargantuesque réunissant pas moins de 35 MC’s. Récemment, il s'est également associé avec Ben Salisbury pour un autre projet du nom de DROKK et qui s'inspire des comics Judge Dredd. Année 2012 bien chargée pour le producteur donc, qui en a également profité pour réactiver Beak, sa première escapade en dehors de Portishead entamée en 2009.
La formule krautrock du premier album, >, minimaliste, répétitive, à la douce et froide morosité, n'offrait aucun tube pour accrocher l’oreille. Pourtant l’expérience sonore de cet opus était suffisamment intéressante pour se laisser séduire. Avec >>, ce qui s'avérait n'être qu'une récréation devient un projet à valeur ajoutée. D'emblée, on retrouve la synthèse parfaite entre ce qui nous avait tant charmé sur le dernier album de Portishead et les primales expérimentations de Beak. Soit une approche légèrement plus pop, quelque chose de plus accrocheur, d’un peu plus lumineux, une ligne un peu moins dark, tout du moins en apparence. Le changement climatique est léger mais significatif.
A l’écoute du second titre, « Yatton », on se dit qu'on va finir par entendre la voix de Beth Gibbons tant la ressemblance avec les sonorités de P3 est forte. Il n’en sera pourtant rien. En lieu et place, le fantôme de Ian Curtis surgit pour nous faire définitivement perdre le contrôle. Même impression avec « Spinning Ton », sensation tellement étrange qu’on en vient à penser que Beth Gibbons a définitivement jeté l'éponge et que Beak s'est approprié les maquettes du prochain Portishead. "Eggdog" entérine l’impression première. Parler de chant pour la voix masculine serait abusif. Mais tel un guide, elle nous accompagne dans un ballet fantômatique au cœur même de l’album. A ce stade des débats, on a vite compris: avec ce second essai, Beak est loin devant, absorbant et hypnotisant. « Liar », instrumental technoïde et désacordé, est le morceau pivot de l'album, celui qui nous fait pénétrer dans la seconde partie de l'album, encore plus sombre. « Ladies’ Mile », morceau suivant, confirme l’impression d’aventure horrifique et spéléologique, façon The Descent.
Et c’est sans doute cela toute l’astuce de ce second essai : nous ouvrir la porte avec une certaine bienveillance pour nous emmener ailleurs, nous éloigner lentement des sentiers battus et emprunter les chemins les plus tortueux. >> , piège monumental, attise la curiosité et mérite que l’on s’y immerge totalement afin d’en découvrir toutes les méandres. Le symbole mathématique > signifie « supérieur ». >>, respecte, à la lettre, la règle mathématique et propose un album nettement supérieur ou égal à son prédécesseur. CQFD.