WLIB AM : King Of The Wigflip
Madlib The Beat Konducta
Poser son oreille sur une nouvelle production de Madlib revient sans commune mesure à retrouver un ami de longue date, une vieille connaissance dont les productions antérieures éclairent d’avance les faits d’armes à venir. Car si Madlib est encore à l’heure actuelle une valeur sûre de la scène instrumental hip-hop, c’est que notre loopdigger garde auprès du cœur la formule secrète d’une prose rythmique aussi enfumée qu’éternelle dans son développement. En effet, disque après disque, Otis Jackson Jr. entretient sans jamais faiblir une culture de l’authenticité maladive qui transpire logiquement sur ses productions urbaines et jazzy. Dans ce contexte, difficile de prendre le Californien en défaut tant le talent survole une fois de plus cette nouvelle production. La patte résolument amoureuse de notre activiste se déploie librement sur ces dix-neuf pistes à géométrie variable entre déclinaisons de sonorités jazz et de beats râpeux, nonchalants, furieux mais toujours baignés dans un épais nuage de fumée qui rend l’approche toujours plus difficile au moment de la première écoute.
Et si cette opacité était de nature à décourager certains de rentrer dans la bulle mystique de Madlib, je n’aurai de cesse de les réconforter en affirmant que notre producteur touche ici le substrat de son art en combinant la profondeur de champ qui est la sienne avec une certaine légèreté dans les textures, un peu moins perchées que sur nombre de ses travaux antérieurs. Sans pour autant sacrifier les fondements d’un art désormais sacré, on prendra donc un plaisir plus direct à hocher de la tête sur ces vignettes entrecoupées de flows chaleureux : les gimmicks accrocheurs sont nombreux et l’auditeur appréhendant depuis peu ce maître de la MPC devrait pouvoir s’orienter avec plus de facilité qu’auparavant.
Mais pas de confusion pour autant, Madlib est toujours là, vêtu de son manteau de pourpre, à distiller des grooves décalés comme s’il en pleuvait, à mâchouiller le beat pour le vider de sa connotation déviante et accoucher finalement d’enfants nobles et racés. Ajoutez à cela des invités de marque (J-Rocc, Murs, Guilty Simpson, son jeune frère Oh No, Stacey Epps) et vous obtenez logiquement un produit de qualité, qui se laissera déguster sans problème pour ses nombreuses qualités évidentes. La couronne bien vissée sur la tête, Madlib est donc là où on l’attend légitimement, dans son élément, comme une ultime échéance au retour du juste et de l’égal dans les ruelles américaines.