The Book Of David
DJ Quik
Comment entamer une chronique sur le dernier album de DJ Quik? On pourrait rappeler que c'est une légende du hip hop californien. On pourrait aussi évoquer ses sept albums, toujours réussis d'une façon ou d'une autre. On pourrait aussi parler du relatif manque de reconnaissance d'un artiste d'une telle importance pour le G-Funk. Oui, on pourrait évoquer tout cela mais ce serait probablement prendre la sortie de The Book Of David par le petit bout de la lorgnette.
Ce septième album du dénommé David Blake est, en effet, un événement qui a pris une certaine ampleur ces derniers temps. Déjà parce que, mine de rien, cela faisait depuis 2005 qu'on attendait un nouvel album solo mais aussi parce que, bien que corrects, ce ne sont pas l'intermède BlaQKout (en collaboration avec l'ami Kurupt) ou sa contribution au moyen Ego Trippin' de Snoop Dogg qui ont rassasié les fans de ses productions reconnaissables entre mille (basses funkys, violons, sonorités sucrées...). Surtout, l'agitation grandit car la sortie de cet album précède de très prés celle du dernier opus d'un autre monstre sacré originaire de Compton, Californie. On parle bien évidemment du Detox de Dr. Dre.
Bien sûr, il a toujours été hasardeux et maladroit de comparer les carrières de Quik et de Dre, surtout qu'ils sont assez copains et ont même bossés ensemble (c'était en 2002, ça s'appelait "Put It On Me" et c'était bien) mais c'est tout de même inévitable. Inévitable parce que ces deux là resteront à jamais les deux plus grandes figures du son West Coast mais aussi parce que leurs trajectoires différent énormément. Pendant que l'un a trusté les charts dans des proportions historiques, atteignant un statut d’icône mondiale, l'autre s'est juste contenté de mener sa carrière tranquillement, avec des hauts et des bas. Et justement, ces dernières années, Quik en a connu pas mal, des bas. Les emmerdes ont débuté peu après la sortie de Balance And Options en 2000 avec l'assassinat de son ami et protégé Mausberg (dont il mettait le talent en avant sur cet album). S'en est suivie une longue période de doute conclue par la sortie de Under The Influence en 2002, prévu pour être son dernier album. On remarque à l'époque une vraie baisse dans la qualité de ses productions (malgré quelques hits pour Jay-Z ou Jadakiss par exemple). Il reviendra dans le jeu en 2005 sur un Trauma encore assez oubliable parce que globalement trop obsédé par la mode Dirty South de l'époque. On parlera aussi de lui en 2007 lors d'un sombre fait divers concernant une violente dispute avec sa sœur. Bref, Quik en a pas mal bavé ces dernières années et The Book Of David est sa façon de tirer un trait sur cette période difficile.
Premier constat à l'écoute du disque, le producteur semble avoir digéré sa (certes, relative) crise d'inspiration de ces dernières années. Le son de Quik comme on l'a connu dans sa période 90/2002 n'est plus, c'est une évidence, mais on trouve ici une production très mature, intelligente et extrêmement variée. Rien que la première piste "Fire And Brimstone" interpelle par son étrangeté et sa versatilité, passant en une mesure d'un couplet tranquille à un refrain quasi anxiogène. Et il en va de même pour la plupart des pistes de cet album. "Babylon", sous ses airs tendance, est un son à la complexité folle et au feeling très californien, tout comme "Across The Map". On trouve aussi quelques morceaux renouant avec le vieux Quik comme le single "Luv Of My Life", "Boogie Till' You Conk Out" ou "Nobody", juste ce qu'il faut pour équilibrer cet album qui balance entre les éternelles bonnes vibes et un vrai besoin de faire le point pour DJ Quik. The Book of David n'est pas un titre en l'air. L'artiste a clairement eu besoin d'évacuer certains démons et cela se ressent sur les lyrics d'un morceau comme "Ghetto Rendezvous", terrible pamphlet adressé à sa sœur.
Pour vous la faire courte, DJ Quik réalise un carton plein avec "The Book of David". L'album, sincère, malin et parfaitement produit fait mouche et nous permet de retrouver le grand Quik. Aidé par une petite liste d'invités triés sur le volet (Blakkazz K.K. de IInd 2 None, Dwele, Ice Cube, Jon B, Kurupt...), il nous propose un disque tout simplement impeccable. Quik mérite largement son retour au premier plan, redonne ses lettres de noblesse à Compton et balance un amical petit coup de pression à la concurrence. Dr. qui?