Rats
Balthazar
J’ai dans ma liste d’amis Facebook un garçon dont je tairai ici le nom mais qui se reconnaîtra certainement: sa connaissance musicale tire légèrement vers l’encyclopédique et sa consommation de biens culturels relève de la boulimie obsessionnelle. Quant à son mur Facebook, c’est une sorte de jukebox dont on peine à suivre le rythme effréné des mises à jour, et où un bon vieux truc de hipster peut aisément côtoyer un obscur morceau de black-métal avant qu'un trésor inconnu de l’indie américain succède à la dernière puputerie de Nicki Minaj. Et cerise sur le gâteau, les vidéos qui inondent le fil d’actualité de quelques centaines de personnes sont souvent accompagnées d’un commentaire laconique. Celle d’un nouveau titre des Belges de Balthazar disait ceci : les Walkmen flamands. L’admiration de la rédaction de GMD pour le groupe d’Hamilton Leithauser est telle que cette seule mention a suffi à titiller sérieusement notre curiosité. D’autant plus que le premier album des Gantois n’était pas passé inaperçu sur ces pages.
A l'époque, tout en reconnaissant les nombreuses qualités du disques, on ne manquait pas de terminer notre papier en disant ceci: "Reste maintenant à savoir si ce premier effort doit être considéré comme une intéressante carte de visite avant plus d’originalité ou comme l'humble prélude à carrière réussie mais peu ambitieuse". Exigeants que nous sommes, nous nous réjouissons aujourd'hui de voir que les Anversois ont privilégié la première option, celle qui les voit aujourd'hui prendre des risques, quitte à ne plus passer pour "le nouveau dEUS" dans la bouche du moindre scribouillard pas bien réveillé. Et si le groupe a bien emprunté à The Walkmen cette élégance de tous les instants sur les onze pistes de Rats, on se félicite de le voir également lorgner du côté de The Last Shadow Puppets, voire du Melody Nelson de Serge Gainsbourg dans cette capacité à usiner une sensualité dingue sans vraiment avoir l'air d'y toucher. Mais contrairement à un Applause où l'on pensait d'abord à reconnaître les filiations avant d'écouter la musique avec toute l'attention qu'elle mérite, Rats est un disque qui s'impose par la seule force d'un songwriting capable de conférer aux Flamands une identité propre. Et si belle. Plus introspectif et subtil que son prédécesseur, ce second album dévoile ses charmes comme on déroule un tapis rouge qu'il ne nous reste plus qu'à fouler avec toute la déférence que méritent des titres comme "Sinking Ship" ou "Joker's Son".
En optant pour une formule résolument novatrice (à leur niveau, il s'entend), les jeunes Belges ont fait le choix d'un songwriting moins évident et vendeur, mais d'une classe si folle qu'il n'aura jamais de difficulté de soutenir la comparaison face à la concurrence internationale. Car c'est acquis, c'est que ces rats-là ne semblent pas prêt de quitter le navire.