Midnight Colour
Ital Tek
On attendait de pied ferme ce nouvel album d'Ital Tek, et ce, pour plusieurs raisons évidentes. Tout d'abord parce que Cyclical demeure encore aujourd'hui comme l'un des passages obligés du dubstep de ces dernières années, subtil mélange d'electronica, de dubstep et d'influences légèrement indus. Mais aussi car notre Anglais a confirmé EP après EP que ce premier album ne devait rien au hasard et que sa place était définitivement parmi les héros de la culture urbaine anglaise. Toujours sur Planet Mu, Alan Myson balance donc son Midnight Colour, et quelque chose me dit que les dents vont grincer.
Car Ital Tek, si bien implanté dans un genre qui n'appartenait qu'à lui, a bel et bien changé de bord. En soi ceci ne constituera jamais une mauvaise chose, pourvu que l'auditeur s'y retrouve. Et c'est bien là que ça coince. « Neon Arc » annonce la couleur directement : après une introduction en bonne et due forme, voilà qu'arrive une effusion de claviers qu'on doit plus à la bande à Joker, Guido ou Gemmy qu'aux pontes d'un dubstep sombre et dérangeant. Oui, Ital Tek emploie maintenant des claviers fluos, des flaques de peinture rose jetées ci et là entre des beats 2-step.
Mais nuançons un peu tout ça. Si on est en droit de regretter les atmosphères purement urbaines de Cyclical, les giclements de couleur sont ici dépressifs, bien plus sombres que la majorité des productions typées grime/purple invasion qui sont maintenant légion. Le rose s'est mélangé au noir pour donner des ambiances pourpres, et c'est assez singulier pour être évoqué. Deuxièmement, le beat est moins nerveux, plus aéré, et donne donc toutes les latitudes imaginables pour s'enfoncer dans les mélodies les plus travaillées. Un aspect plus strictement 2-step/garage qui souffle un vent de fraîcheur parmi les productions d'Ital Tek. Un mal pour un bien pour certains, un mal tout court pour d'autres plus accrochés aux premiers travaux de l'Anglais.
On pourrait finalement synthétiser le propos en disant que Midnight Colour est un disque à la patte unique, qui tente comme il peut de se raccrocher aux nouvelles vagues du genre (ce qui n'était peut-être pas nécessaire). Le meilleur moyen d'apprécier cette nouvelle livraison est sans doute d'oublier définitivement qu'il a été réalisé par Ital Tek. Le charme opèrera sûrement à partir de ce moment-là : vous pourrez vous étendre dans cette galette claire-obscure comme il se doit en évitant sans cesse de nourrir des regrets sur les travaux passés de son auteur. Un disque cohérent et finement travaillé, qui contient son lot de beaux moments. Pour le reste, on vous laisse juge.