Long.Live.A$AP
A$AP Rocky
Que de chemin parcouru depuis Live.Love.A$AP, la première mixtape d’A$AP Rocky. Le emcee de Harlem a progressivement envahi médias spécialisés comme généralistes à coups de featurings et, avec la tape de son crew A$AP Mob, il est devenu une sorte d’égérie de la mode (à la Kanye West hein, attention) et le chouchou de ces dames (coucou Lana Del Rey) et en a profité pour choper des 06 en pagaille. Et tandis que sur sa mixtape on trouvait une majorité de featurings et de productions de son proche entourage, de quasi-inconnus ou du très bon Clams Casino, Long.Live.A$AP fait la part belle aux guests en pagaille histoire d'appâter le client – bah oui, c’est un album payant cette fois.
Signe le plus évident de ce nouveau virage, les présences de Hit-Boy et de Skrillex au trackliting. On retrouve le premier cité (monsieur « Niggas in Paris ») à la production de « Goldie », premier single de l’album, que les amateurs doivent connaître par cœur depuis sa sortie il y a huit mois. Avouons quand même que c’est le type de morceau qu’on peut réécouter en boucle: une mélodie entêtante jouée à un doigt, un beat bien sale qui varie entre le refrain et les différents couplets, des cuts de voix, des scratches et un refrain aux vocaux dépitchés façon Dj Screw - une technique qu’affectionne beaucoup le rappeur de la Big Apple puisqu’il utilise tout au long de l’album.
Le producteur de l’écurie G.O.O.D. Music s’occupe aussi de tailler un beat à la mesure du prestige des nombreux invités de « 1 Train », à savoir Kendrick « Monsieur 2012 » Lamar, Joey Bada$$, YelaWolf, Danny Brown, Action Bronson et Big K.R.I.T. Avec ces deux titres, le beatmaker démontre que si ses titres les plus connus sont taillés pour les clubs, il sait également produire des ambiances plus sombres et d’inspiration 90s avec une boucle qui ne lasse pas même au bout de 6 minutes – la marque des grands à n’en point douter, même s’il est bien aidé par les différents intervenants.
A l’opposé du spectre sonore, on ne peut pas exactement parler de la même subtilité chez le nigga Skrillex en charge du plaisir coupable de l’album, « Wild for the Night ». Pas de wobble assassin et même un premier couplet étonnamment sobre jusqu’à ce qu’arrive le sample du « Going In » de Birdy Nam Nam et là, c’est parti. Ce truc aurait pu être pire mais n'en demeure pas moins pas facile à défendre en société.
Et entre ces deux extrêmes, on tombe sur la team de producteurs de Drake, 40 et T-Minus, pour deux titres: un « PMW » avec Schoolboy Q, sorte de sequel de « Hands on the Wheel », et une réunion de sexaholics pas très anonymes avec Drake, 2 Chainz et Kendrick Lamar sur « Fuckin’ Problems » où ils évoquent la dureté de leur vie, se faire sucer et tout, les pauvres. Cerise dans le syrup, Danger Mouse se cache derrière « Phoenix » et son ambiance crépusculaire héritée du far west. Du guest féminin, il y en a aussi, avec Santigold et Florence Welch. Mais c’est réservé à la version deluxe et honnêtement, c’est très décevant, n’en déplaise aux Femen.
Mais dans ce papier, on en oublierait presque de parler de A$AP Rocky, ce qui en dit long sur la tripotée de guests qui envahit Long.Live.A$AP. Il arrive même à Rakim Myers de se retrouver seul derrière le micro, notamment sur « LVL » produit par Clams Casino, dans la lignée de Live.Love.A$AP, sur l’amusant « Fashion Killa » et ses chœurs féminins ou sur le magistral et glauque morceau d’ouverture « Long Live A$AP », dégageant une noirceur qui évoque les deux premiers Method Man mais contrastée par un refrain chanté dans lequel le emcee clame son immortalité.
Mais voilà, vu la hype démentielle entourant actuellement son personnage, il est probablement un peu trop tôt pour dire s’il va effectivement marquer l’histoire musicale de son empreinte à jamais. Mais force est de constater que le jeune A$AP Rocky est à l’aise dans toutes les ambiances et livre là un album très complet. Mission accomplie donc.