K.I.D.S.
Mac Miller
Le rap est probablement le style musical le plus pourri par les stéréotypes et les préjugés. Origine, style vestimentaire, milieu social, chacun de ces éléments peut susciter une levée de boucliers capable de transformer une carrière en enfer. Mais là où le système atteint son paroxysme, c'est lorsque l'on aborde la question de la couleur de peau, et d'autant plus de l'autre côté de l'Atlantique. Bien sûr, il y a l'inévitable cas Eminem pour contredire ce constat. Mais n'oublions que pour atteindre son statut actuel, Marshall Mathers a notamment dû jouer les bouffons blonds dans tous les clips du début de sa carrière. Aujourd'hui, cette période de délicatesse avec les remparts communautaires du hip hop semble lointaine, et pourtant, ce clivage mélaniné subsiste. Alors dès qu'un rappeur blanc commence à faire son trou, la critique est plus avisée et interrogative. Et interrogatif, tout le monde l'est au sujet de Mac Miller, Irlandais de 19 ans originaire de Pittsburgh. Pas vraiment le portrait-robot du rappeur, n'est-ce pas? Et pourtant...
Depuis sa précédente mixtape (The High Life), le premier album de Malcolm McCormick se fait attendre, mais le gamin n'est pas du genre pressé. Et c'est ainsi que le rappeur a décidé de balancer il y a quelques semaines une nouvelle tape intitulée K.I.D.S (Kickin' Incredibly Dope Shit). Et dès la première écoute, Mac surprend par la diversité des sonorités proposées. Cela va du morceau hip hop à la nomenclature classique « beat-loop-sample » sur "Nikes On My Feet" à l'étonnant "Don't Mind If I Do" qui remixe le tubesque "Fireflies" de Owl City. Mais le plus déconcertant est la facilité avec laquelle il prend possession des mélodies pour se les approprier et y poser sa propre patte. L'exemple le plus parlant est le nombre de featurings : un seul sur toute la tape ! Mac Miller n'a besoin de personne pour coucher un projet solide et le réussir avec les félicitations du jury. Si K.I.D.S est une grosse dose de fraîcheur, le emcee de Pittsburgh n'en oublie pas ses bases, aussi bien dans l'exercice chanté, en s'assurant toujours un phrasé endurant, que dans celui de la production, où son collègue Big Jerm marie une structure classique à des notes percutantes.
Kickin' Incredibly Dope Shit fait à coup sûr partie des mixtapes les plus intéressantes de cette année 2010 et annonce l'arrivée, à pas discrets mais certains, d'un gosse qui risque de changer la donne dans les années à venir. Comme toute « révélation », le plus dur est devant lui, à savoir confirmer avec un rookie album de qualité. Mais tout cela est encore loin et nous laisse le temps de profiter au maximum du flow insouciant de Mac Miller.