EP C/B EP
Battles
Le petit Warp a vécu une enfance plutôt agitée. Vous imaginez bien qu'en croisant le chemin de musiciens aussi déjantés et avant-gardistes que Aphex Twin, Autechre ou Squarepusher dans sa prime jeunesse, le label britannique n'allait pas en ressortir indemne. On pensait même que les dommages causés à un si jeune âge par les artistes précités et par leurs petits camarades de jeu allaient avoir des conséquences palpables sur l'adolescence de l'enfant. Pourtant, il n'en fut (presque) rien. Si les artistes signés par Warp ces dernières années n'ont pas démérité, on pourra toutefois leur reprocher, à l'image de Maxïmo Park ou !!! (chik chik chik), de ne pas avoir toujours été aussi novateurs que ne l'ont été leurs illustres aînés. Cela faisait donc quelques temps que le public attendait de la maison de Sheffield qu'elle nous sorte de son beau chapeau un groupe absolument renversant: mesdames et messieurs, je vous présente Battles.
Alors que le quatuor affole depuis 18 mois déjà les milieux les mieux informés, on entend poindre un peu partout l'appellation de "supergroupe". Et honnêtement, comment pourrait-il en être autrement quand une formation se compose de John Stanier (ex-Helmet officiant aujourd’hui au sein de Tomahawk), de Ian Williams (Don Caballero), de Dave Konpka (Lynx) et de Tyondai Braxton (qui a notamment collaboré avec Prefuse 73)? Un supergroupe qui est d'ailleurs à la hauteur des attentes souvent placées dans ce genre de petites réunions entre amis. En effet, rarement par le passé la jonction entre rock, post-rock, électro minimale et jazz n'avait été réalisée avec autant d'efficacité que sur cette double galette reprenant trois EP's sortis par le groupe l'année dernière.
Une grosse heure durant, Battles affiche avec une précision quasi chirurgicale ses deux facettes. Oscillant entre longues plages aux ambiances lugubres lorgnant du côté de l'expérimentation brutale et morceaux tendus et obsédants, Battles fait montre d'une maîtrise impressionante de l'instrument rythmique: riffs tranchants et batterie sèche mènent d'une main de maître les compositions du groupe pour transformer le tout en un ensemble déroutant de boucles hypnotiques et oppressantes. Particulièrement réussi dans ses progressions aussi lentes que puissantes, EP C/B EP se révèle rapidement être une incontrôlable bombe à retardement qui ne demande qu'à exploser sur scène.
Armé de ces douze petits bijoux, le buzz va à n'en point douter continuer à monter autour de ces quatre Américains à la furia dévastatrice. On lit souvent que Battles aurait été brocardé sauveur du post-rock mais qu'il aurait pris le train en marche avec un peu de retard. Pourtant, quoi qu'en disent ces élitistes passéistes, le groupe a déjà gagné une belle bataille et est en passe de gagner la guerre si il confirme rapidement les excellentes prédispositions affichées sur EP C / B EP, d'autant plus que les pionniers du genre ne semblent pas décider à activer la riposte. La brèche ouverte, Battles n'a plus qu'à s'y enfoncer.