Take Care
Drake
Que peut-on encore dire d’un Take Care dont on a à peu près tout dit, tout analysé, et surtout tout encensé : que Drake accomplit là le chef-d’œuvre de sa jeune carrière ? Sans doute oui. Que ce troisième disque – à l’image de la série Tha Carter de Lil Wayne – finit de consacrer un artiste qu’on savait déjà bourré de talent ? C’est indéniable. On ne vous étonnera pas en nous rangeant d’emblée du côté des admirateurs, car le constat est clair : Take Care est l’un des tout gros morceaux de l’industrie r’n’b en 2011, si pas le meilleur.
Déjà, ce disque est un constat en lui-même : aujourd’hui écouter du r’n’b est redevenu cool. Mieux, c’est devenu classe, et gaffe à ceux qui ne suivent pas le mouvement. Qu’on parle ici de The Weeknd, de Frank Ocean ou de The-Dream, les voix de velours et les attitudes de lovers bling bling sont subitement devenues l’apanage des gens distingués, là où on taxait tout amateur des Boyz II Men de blaireau il y a trois ans. La roue tourne et c’est toujours la même rengaine : les cons d’hier sont les héros de demain. Enfin, ce qui est sûr c’est que sur deux ans l’émulation stimule des vocations absolument admirables. Drake a tout de cette success story. Pourtant on avait été prévenus avec le carton provoqué par Thank Me Later l’an passé, le Canadien s’imposait comme le nouveau big boss du r’n’b façon Cash Money Records. Lil Wayne n’était jamais loin pour cadrer son poulain dans la lumière des projecteurs.
Avec Take Care il devient sans doute plus indépendant, tire la couverture de son côté du lit, et vole enfin de ses propres ailes. Ça se sent dans son flow de emcee, plus détaché de l’image de celle de son boss Lil Wayne, bien que la filiation demeure évidente, et dans sa manière de jouer son rôle de Chat Potté qui miaule – se rapprochant avec talent d’un The-Dream en pleine possession de ses moyens. Malgré tout, on reste persuadé que c’est bel et bien du côté des productions que le Drake nouveau a gagné en envergure. On connait peu Noah "40" Shebib, mais force est de constater que sans lui, Take Care n’aurait pas la même saveur. Déjà habitué à des productions minimalistes depuis son dernier disque, Drake gagne en tristesse, en profondeur de jeu grâce au travail millimétré de ce nouveau crack de la prod. Shebib taille des productions qui étirent au maximum toute la personnalité du Canadien sur ce disque : ça respire, c’est léché et extrêmement dynamique. Bref, ça défonce.
Malgré sa longueur extrême et ses quelques petites faiblesses, Take Care est un disque plein, une plaque totalitaire qui ne laisse pas beaucoup de place à la contestation. Le genre d’effort qui place son géniteur dans la catégorie des intouchables. Et ici on ne vous parle pas d’Omar Sy. Écoute obligatoire.