Dossier

Horsepower Productions : Uk garage til we die

par Simon, le 12 octobre 2011

Aujourd’hui il est bon ton de se toucher la prostate sur du uk garage – ce qui est normal vu que le genre déblaie depuis une décennie. Tout qui veut avoir l’air cool en société a toujours l’option de se répandre en louanges sur un genre que beaucoup méconnaissait il y a encore un an. Qu’importe finalement, pour autant qu’on oublie jamais ce qui a fait – et fait encore, dans une moindre mesure – la force de ce cette scène redoutable. Sans jouer les professeurs d’histoire, tout le monde sait aujourd’hui que le uk garage est le père du dubstep et que ses rythmiques 2-step/early dubstep ont amené à une évolution cruciale dans la tournure actuelle de la uk bass music.

Si on vous parle de tout ça c’est parce qu’entre 2001 et 2003 une, et une seule, formation va dominer le uk garage, du moins va en travailler les codes pour devenir le son de référence. Originairement composé de Benny Ill, Lev Jnr et Nassis (qui quittera rapidement le groupe), Horsepower Productions se révélera rapidement comme le porte-étendard d’un son à la fois neuf – pour son attitude urbaine – et référencé par son passé house. Les deux premiers albums des Londoniens (In Finé Style et To The Rescue) demeurent encore à ce jour les deux meilleures plaques de uk garage, avec un son félin, aride et gorgé des premières infrabasses. Le retentissement est immédiat dans les caves de la capitale : chaque dj set d’Hatcha jusqu’en 2003-2004 (ruez vous de toute urgence sur la compilation Dubstep All Stars Vol.01 pour vous en assurer) contiendra pour moitié des tracks en solo ou en collaboration d’Horsepower Productions. C’est bien simple, pendant un temps, certes révolu au moment d’écrire ces lignes, le FWD>> (club qui a vu naître le dubstep) vivait au ryhtme des productions de ces trois cockneys pleins d’insouciance (on n’oublie pas ici l’apport de mecs comme El-B, Kode9, DMZ, Skream, Phuturistix ou Artwork dans l'avènement du uk garage).

En 2009 le groupe réapparait avec un EP – Damn It/Kingstep – qui met à l’amende une scène qui a déjà amorcé sa sortie de route – et ce, six ans après avoir complètement occulté les nombreuses mutations du genre. Un an plus tard viendra The Quest Of The Sonic Bounty, une œuvre qui marque son complet décalage en proposant un dubstep minimaliste, très old-shool et marqué par son héritage uk garage. Ce troisième album sera un suicide commercial, mais il témoigne encore d’un esprit de résistance par rapport à une authenticité qui a globalement pas mal foutu le camp. Ce qui devait être une news dans sa taille se transforme en dossier car l’actualité nous commande de vous reparler de Horsepower Productions pour des projets plus ou moins apparentés. Dans les deux cas c’est Tempa – label fondateur et habitat naturel du trio devenu duo – qui décroche la timballe.

Premièrement c’est une collection de quatre titres disparus qui refait surface. Quatre tracks concomitantes à l’âge d’or du « son Horspower Productions » qui sont déterrées pour le plus grand bonheur des amateurs. Et c’est presque la larme à l’œil que l’écoute de The Lost Tapes EP se déroule : tant de ferveur, de purisme et d’instinct qu’il en est presque criminel d’entrevoir cette époque comme révolue. Une oreille à « What We Do » ou « Midnight Tease (Instrumental )» achèvera de vous convaincre.

Puis il y le retour de Dub War après dix ans d’absence depuis leur monstrueux Murderous Time/Generation EP, du formé entre autre par Benny Ill, fondateur d’Horsepower Productions. Leur nouvel EP est tout simplement ravageur, et « The Funky Deal » probablement l’un des meilleurs titres à retenir de la bass music en 2011 : avec une attitude qui tire autant vers le post-punk que le funk blanc, on attrape directement une érection au moment de se prendre de jolies infrabasses et des lyrics de guerriers. Clairement une claque dans les dents. « To The Depths » finira de dire la messe. Cet EP est grand, très grand même.

Pourquoi ce papier sinon pour entériner sous prétexte de l’actualité l’une des plus grosses formations de la culture de la basse anglaise. Peut-être pour se rappeler que quand vous écoutez Burial en vous massant les burnes, c’est El-B que vous entendez (du propre aveu du résident d’Hyperdub, qui copiait les tracks d’El-B pour trouver son propre son) ; pour ne jamais oublier que dans Magnetic Man il y a Artwork (malheureusement pour lui). Pour remuer en vain les cendres d’un genre fondateur et absolument central dans cette décennie électronique, peut-être dans un dernier spasme résistant. Enfin pour consacrer Horsepower Productions comme la plus belle discographie du genre, obligatoire pour tout amateur qui se respecte. Parce que finalement la musique d'aujourd'hui n'a jamais autant ressemblé à celle d'hier.