Tribes at The Temple of Silence
Bvdub
Qu'est ce qui fait la différence entre un grand disque d'ambient et une plaque fonctionnelle? Difficile d'établir des théories pour une musique qui parle exclusivement à l'affect, au ressenti, à l'imaginaire pur. L'absence de repères (généralement matérialisé dans une basse, batterie, guitare voire un kick électronique) jouant le rôle d'élément perturbateur au pays des sens. Il serait plus pertinent dès lors de parler de moments, d'humeur ou d'époque. On pourrait certes différencier les disques drone/ambient, plus austères, plus minimalistes et rigoureux des disques charnels, rêveurs à tout prix. Et surtout plus immédiats. Dans ce deuxième courant il est un un pilier incontestable, véritable figure de proue d'un genre qui n'a pourtant pas l'habitude des grosses sirènes médiatiques : j'ai nommé Bvdub.
Faisant office de balise solide au sein de la scène ambient-dub légèrement techno, Brock Van Wey a su en quelques années s'imposer comme une des références de l'ambient en posant sur des labels comme Echocord ou Quietus, allant jusqu'à poser pour la très select compilation Kompakt Pop Ambient. Bref un parcours tout ce qu'il y a de plus enviable au sein de genre marqué par l'abondance des sorties. Ce succès, l'Américain le doit forcément a une prose universelle, quasiment pop. Il joue en réalité sur les canons intemporels de l'ambient : nappes aux textures richissimes, totalement mélodiques, mêlées à des voix angéliques, le tout sur fond de kicks techno-electronica. Sur papier cette musique a la classe totale.
D'ailleurs, il faut bien le dire, Bvdub possède dans cet art un grain magnifique, aérien, léger et pourtant plein. Le problème c'est que Bvdub ne sait pas se réinventer, il possède une formule qui ne semble jamais vouloir se modifier et présente donc en conséquence des pièces extrêmement uniformes. C'est là véritablement que se pose la question du disque fonctionnel. Tribes at The Temple of Silence est à ce titre un disque qui demande du temps : les premières écoutes sont, comme toujours, agréables mais potentiellement inoffensives. Puis il y a cette insistance, cette manière avec laquelle ce disque se décale, écoutes après écoutes, pour retomber dans une grâce attendue. On peut objecter sur le statisme créatif d'un Bvdub, on ne peut pour autant taper sur la manière avec laquelle celui-ci mène ses longues plages d'ambient-techno : les voix parviennent souvent à atteindre des sommets de beauté fragile, l'assemblage de nappes et de rythmes font souvent mouche – mention spéciale au magnifique « Morning Rituals », qui fait penser à un Joris Voorn sous tranquilisants. Bref ça coule comme un ruisseau dont on connait déjà les méandres, pourtant sinueux. On soulignera néanmoins la longueur excessive de Tribes at The Temple of Silence : 80 minutes pour sept titres, c'est au moins deux ou trois minutes à raboter sur chacun d'eux. Car parfois l'attention fuit un peu, bien rattrapée par des moments de grâce, il faut bien le dire, omniprésents. Un énième disque de Bvdub en fait.