Tramp
Sharon Van Etten
En quelques années, les termes « buzz » et « hype » ont été vidé de leur sens par des attachés de presse peu scrupuleux et des bloggeurs plus enthousiastes qu’un Marc Emmanuel Dufour sous cocaïne. Aussi, plus que jamais, ces mots doivent être utilisés avec parcimonie, tant ils semblent produire un effet inverse dès qu’ils sont prononcés à tort à et à travers. Censés attirer l’attention et être un gage de qualité indéniable, ils font trop souvent craindre à l’auditeur potentiel un produit préfabriqué et prévisible.
Mais voilà, dans le cas de la discrète Sharon Van Etten, on a envie de parler de hype, de buzz et tout ce qui s’en suit tant la songwriter a suivi une marge de progression qui justifie de se voir flanquée de ces deux qualificatifs. Présente sur le circuit indépendant depuis 2009, elle s’est toujours ménagée une honnête fanbase sous le charme de son folk aussi gentillet qu’épuré. Puis l’année dernière, on a appris que l’Américaine s’était attiré les faveurs du label JagJaguwar, qui allait sortir son nouvel album. Ensuite, on apprenait que c’était un certain Aaron Dressner, guitariste et éminence grise de The National, qui allait se charger de produire Tramp. Et que des gens comme Zach Condon (Beirut quoi), Matt Barrick (batteur de The Walkmen) ou Juliana Barwick seraient de la partie. Enfin, les premiers extraits de ce troisième album n’ont servi qu’à faire monter la sauce. Il n’en fallait pas plus pour faire de Sharon van Etten l’artsite à suivre en ce début d’année.
L’album entre les mains et dans le poste, le bonheur n’est est que plus intense. Car oui, Sharon Van Etten est largement à la hauteur des attentes avec Tramp. Disque d’une classe folle et d’une intensité de tous les instants (et là on se dit que Aaron Dressner ne doit pas y être pour rien lui qui y connaît un rayon en la matière), Tramp révèle une artiste complètement libérée et ambitieuse, qui compte bien en finir avec les bars miteux et les publics clairsemés pour laisser briller son songwriting dans des salles à la hauteur de son talent. Pour parvenir à ses fins, Sharon Van Etten offre un sacré bol d’air frais à son folk qui prend dès lors un malin plaisir à occuper les grands espaces. Cette confiance inébranlable en ses capacités conjuguée à une production sobre (mais redoutablement efficace) et une écriture qui ne surjoue jamais la carte émotionnelle permet d’accoucher d’un disque qui ne connaît pas le sens des mots temps morts et déchets. Alors, pour le coup, on se dit qu’il a bon dos le buzz.