Sky Burial
Inter Arma
On ne connaissait pas Inter Arma, du moins pas avant leur signature sur Relapse Records. Une arrivée qui, indépendamment de la qualité de ce disque, est un véritable fait d’arme quand on regarde la place qu’occupe la structure américaine dans le cosmos du rock dur, voire extrême – ayant supplanté, on peut le dire, Southern Lord dans ce rôle. Tout de suite, on redouble donc d’attention, et à ce stade on prend ce Sky Burial comme un disque potentiellement accrocheur, sorti chez l’éditeur de référence. Une quinzaine d’écoutes plus tard, on se rend compte que cette signature n’a rien d’un hasard puisque ce disque est tout simplement la plus grosse claque en matière de gros rock qui tache. Un grand merci à eux donc, pour commencer.
Etiqueté comme l’énorme hybride doom-metal/sludge/black metal/post-metal – c’est assez tendance ces temps-ci - le deuxième disque d’Inter Arma étonne à tous les niveaux, de ses intentions à sa composition, jusqu’à sa manière de se présenter à l’auditeur. On est ici clairement dans le royaume du chaos, du désespoir et de l’infiniment mauvais. Et pourtant, Sky Burial n’est rien d’autre qu’une machine rock extrêmement (et magnifiquement) structurée, qui renie toutes les lois de l’amateurisme nihiliste pour plonger dans quelque chose d’extrêmement mature. Ce Sky Burial, c’est déjà une affaire de technique et de production. Bien aidée, notamment, par la tendance amenée par Converge de jouer le metal extrême avec clarté et propreté. Inter Arma balance donc ses soixante-sept minutes dans des grands éclats de fer et d’acier : le batteur joue vite, carré et mathématique ; le chant est calé, dosé et intellectualisé alors que la guitare est aussi sauvage que mesurée. Cette tendance peut également être cristallisée dans l’œuvre de Mastodon. Heureuse transition car c’est peut-être la formation dont Inter Arma est la plus proche, d’un point de vue structurel du moins. Les deux groupes partagent en effet ce respect gigantesque pour l’institution guitare, vue comme un moyen de créer de la masse, de l’organiser par blocs et de tout concevoir en quadrillage.
Certains vont même jusqu’à évoquer Pink Floyd, pour la manière dont les longueurs tournent à l’infini, pour les instrumentaux et les langueurs prog qui parcourent ce disque – va écouter « The Long Road Home » et « Sky Burial », tu vas tomber de ta chaise. Et ils ont tout à fait raison. On y entend également le Dopesmoker de Sleep – classique du doom-metal « langoureux », que vous vous devez de posséder – pour son côté très lourd et chanté, très rock’n’roll dans la manière de se développer. Les amateurs de black metal ne seront pas en reste, pour les traces de blast beats et les chants de chien qui évoquent autant les premiers Darkthrone que Wolves In The Throne Room. On espère que vous l’aurez compris, ce Sky Burial est un sacré morceau.
Ce disque est un centaure, tant pour son côté mutant que pour sa force de roulement ; un disque qui est capable de jouer trois styles en même temps sans jamais jouer le jeu des comparaisons. Une force d’évolution, en permanente ascension, et de narration qui emmène l’auditeur loin, d’abord désarçonné par la structure folle et les longueurs imposées, puis finalement auréolé dans un univers plein, riche, et apparemment difficile à épuiser. En même temps au vu des références évoquées plus haut, il était difficile que ce Sky Burial soit autre chose qu’un des disques de l’année. Un immanquable, vraiment.