Sex, Dreams & Denim Jeans
Uffie
Un album d'Uffie, franchement, qui l'eût cru? Quand on connaît la durée de vie moyenne d'une hype sortie du creuset bariolé qu'est Ed Banger, laisser s'écouler cinq années entre la sortie d'un premier single carrément irrésistible produit par son boyfriend de l'époque (Feadz, pour l'acidulé et autotuné "Pop The Glock") et la parution plus vraiment attendue d'un album, cela relève du hara-kiri commercial en bonne et due forme.
Mais on le sait, chez Pedro Winter & associés, marketer intelligemment un produit, même pourri, est une pratique qui a été élevée au rang d'art par l'ex manager des Daft Punk. Et vu le potentiel entrevu en 2005 sur le maxi susmentionné, qui contenait également sur sa face B l'explosif "Ready to Uff" produit par Mr. Oizo, il eut été étonnant que la machine promotionnelle et virale ne se mette pas en branle.
Et s'il est vrai que depuis quelques semaines, il est difficile de passer à côté du minois de la belle Américaine qui truste les couv' de tous les magazines qui comptent – Technikart et Inrocks en tête, notre curiosité avait été titillée il y a déjà quelques mois, lorsqu'est apparu le titre qui nous a fait penser que le dossier Uffie méritait peut-être d'être dépoussiéré. Avec "MC's Can Kiss", son flow malicieux, son beat rondelet et son saxo allumé en cerise sur la gâteau de cette prod une fois de plus signée Mr. Oizo, Uffie se replaçait idéalement sur la carte des artistes pas encore perdus pour la cause, et dévoilait surtout dans les paroles de ce titre un phrase qui en dit long sur la donzelle: I'm an entertainer, not a lyricist.
En effet, si d'aucuns considèrent Uffie comme une rappeuse qui a décidé de s'acoquiner avec le monde de l'électro, la vérité est tout autre, et Sex, Dreams & Denim Jeans le prouve. C'est plutôt du côté des égéries de la pop moderne que sont Kylie Minogue ou Robyn que lorgne désormais Anna-Catherine Hartley. D'ailleurs, la présence aux manettes d'un certain Mirwaïs, qui a par le passé fait des merveilles pour une certaine Madonna, n'est certainement pas une coïncidence. Alors qu'il y a encore quelques années, Uffie était plutôt du genre à gueuler bourrée dans son micro lors de shows à l'arrache et abusait de manière un peu trop facile d'un sex appeal évident, aujourd'hui, tout semble question d'esthétique, tant sur le fond que sur la forme. Léché , efficace et résolument pop, ce premier album l'est assurément, et tranche un peu avec les habituelles livraisons apparentées Ed Banger, dont le raffinement n'est jamais l'une des qualités premières.
Entourée d'une fine équipe de producteurs (Feadz, Mirwaïs, Mr. Oizo et SebastiAn) et d'invités prestigieux (Pharell Williams sur le survitaminé “ADD SUV” ou de l'ex-Rapture Mattie Safer), Uffie s'emploie sur quatorze titres à démontrer qu'elle n'est pas cet amour de vacances fugace que l'on embrasse goulument entre deux bières tiédasses un soir de débauche. Et réussit dans l'ensemble son coup. Très à l'aise dans l'exercice de la ritournelle électro-pop acidulée qui se sirote avec insouciance, Uffie justifie l'engouement médiatique dont fait l'objet sa personne et, en n'en faisant pas des tonnes, s'impose comme l'une des rares artistes estampillées Ed Banger qui pourrait véritablement s'inscrire dans la longévite. Vraiment, qui l'eut cru?