Rival Dealer EP
Burial
J’ai toujours été fasciné par les gangsters généreux, les mecs capables de commettre des crimes parfaits. Pas les clones qui se contentent de partir de la banque avec tout le fric et le sourire aux lèvres. Moi, mon truc, c’est ceux qui repartent également avec la culotte de l’hôtesse d’accueil, ceux qui fascinent à tout prix. Rival Dealer est l’œuvre d’un génie, un vrai. Celui qui encule tout le monde et repart avec les burnes bien propres, poncé de partout par des gens qui se demandent encore ce qu’ils foutent là. Car Rival Dealer n’est pas seulement une histoire de génie longtemps caché. Son crime a quelque chose de solaire dans son explosion. Oui, il fallait que les planètes soient méchamment alignées pour assister à pareille démonstration de mauvais goût dans son accueil. C’est à se demander quelles sont les promesses qui ont été faites pour que tout le monde écarte les fesses devant trente minutes de pub pour le nouveau Tahiti senteur coco. Qu’importe ce qu’on vous a promis, ici ça commence à méchamment sentir l’anus.
Comme l’alcool dans une bouteille de parfum, l’urgence finit toujours par se barrer d’un artiste alors que tu voulais encore kiffer sentir l’Aqua Di Giò sur ta chemise col pelle-à-tarte. Sauf que tu n’es pas con, quand ça commence à puer le souffre, tu balances ta bouteille à la poubelle. Ici, sommet du mauvais goût, c’est au moment où Burial décide de produire ses plus mauvais disques qu’on assiste à une sorte de présentation royale sur fond de grand cirque journalistique, tout ça bien relayé par une plèbe qui confond le sang et la crotte. Si on te conseille de la jeter, il ne faut surtout pas la boire, la bouteille de parfum. Un opium puissant pour des pucelles électroniques qui le savourent, contentes, gavées jusqu’à la luette de la nouvelle sensation qu’on leur présente comme plus ou moins fraîche. En tout cas carrément cramée. Déviance totale des canaux de distribution grand public, jurisprudence du bon goût, qui sentent des pieds jusqu’ici, et surtout, surtout, un bon public au moins aussi digne et gras que des oies d’Aquitaine.
Je pense pouvoir maintenant annoncer qu'en 2005, j’ai pu pleurer comme un fan d’Avicii devant l’album éponyme de Burial. Une claque sans retour en arrière, toute l’urgence et la dépression du Londres urbain dans un vrai grand disque de bass music hanté. Et aujourd’hui, on me ferait boire du Ace of Base comme si c'était un produit proto-jungle-trou-du-cul? Comme un signe du destin, ces nouveaux dandys du prêt-à-porter musical (qui doivent également être des nouveaux fans de Moderat/Mount Kimbie/Thom Yorke/Four Tet/LCD Soundsytem) n'ont proprement jamais entendu parler de ce disque. Et ils ne l’écouteront probablement jamais. Pourquoi? Probablement parce quand il pète ça manque de sperme sur les murs. Car seul compte ici le règne sans partage du lobbyisme même pas obscur, le règne des intouchables qui font du chantage à l’émotion, qui s’invoquent entre eux pour mieux se gausser de pans complets d’une musique dont ils n’ont pas grand-chose à foutre, au final. La musique électronique vue par les fanas de l’indie qui dégouline de partout. Pas de remous, pas de secousse, tout est sous contrôle dans la médiocrité du blogging-roi. Rémi Gaillard se sentirait presque obligé d’adapter son mantra : « C’est en étant n’importe qui qu’on peut faire n’importe quoi ».