Rinse:22

Kode9

Rinse – 2013
par Jeff, le 12 juillet 2013
7

Avec Hyperdub, Kode9 a lentement mais sûrement bâti un édifice dont la solidité est sans commune mesure. Et si l'on associera toujours le patron de l'écurie londonienne au dubstep, il faut aussi avouer que le mot a été vidé de son sens au fil des nombreuses mutations qu'il a connu en quelques années seulement d'existence. Cela tombe plutôt bien, car derrière des apparats dubstep, Kode9 a toujours prêché l'ouverture. Hyperdub, c'est l'assurance d'une production variée et de qualité. C'est surtout une ouverture d'esprit que le maître des lieux a voulu insuffler à sa sélection pour une autre institution de la bass music d'outre-Manche, Rinse. En effet, la radio qui se mute occasionnellement en label invite à intervalles réguliers les cadors du milieu à y aller de leur petit mix. Et la liste des intervenants passés fout le vertige: Skream, Benga, Geeneus, Ben UFO ou Oneman se sont tous fendus d'une compilation ces dernières années. Il était donc bien logique que le tour de Kode9 finisse par arriver.

37 titres en 66 minutes. Que les choses soient claires: Steve Goodman n'est pas venu pour jouer la carte de la sélection qui s'apprécie dans la longueur et la langueur de ses choix. Ce Rinse:22, malgré une entame tout en introspection (merci Burial, Theo Parrish et Morgan Zarate), aura tout de la bombe à fragmentation qui s'attaque directement aux mollets. Un mix qu'on imagine élaboré avec beaucoup de soin mais qui transpire souvent l'effervescence et l'enthousiasme d'un set dans un petit club à l'intenable moiteur. Et ce sera autant une force qu'une faiblesse pour ce Rinse:22.

On l'a dit en début de chronique, Kode9 aime manger à tous les râteliers: grime, house, UK Funky, dubstep ou footwork figurent parmi ses genres de prédilections. Et cela s'entend. Cela donne un set répartis en blocs thématiques (mention spéciale à la claque UK Funky du début et au final footwork extatique) qui passe difficilement le cap de l'écoute domestique. Par contre, un samedi soir, réunis avec quelques potes à siffler des mousses avant d'aller faire les sagouins jusqu'au petit matin, ce mix est plutôt du genre à faire exploser les thermomètre. Il faut dire que la sélection du natif de Glasgow n'est pas avare en plaques imparables: qu'il s'agisse du "Spinnin'" de DJ Rashad, de la bombe sale qu'est le "Dirty" de The Bug, des claviers flamboyants de Cashmere Cat, du groove martial de DVA ou des inédits impeccables livrés par le géniteur de la sélection, ce Rinse:22 vaut aussi pour l'efficacité de ses choix, dont certains feront certainement les beaux jours de pas mal de top singles en fin d'année – avec une mention spéciale pour le "What I Must Prove 2 U" des inconnus Alex Parkinson & Chris Lorenzo, qui a l'efficacité des meilleurs singles de Disclosure, et l'élégance des meilleurs singles de chez Night Slugs.

A l'arrivée, malgré un mix qui ne se prive pas de quelques enchaînements un peu bancals et joue parfois avec le système digestif de son auditorat, ce Rinse:22 compte suffisamment de moments de bravoure, de trouvailles techniques et de pichenettes gaudriolesques pour qu'on y revienne au moindre coup de mou ou dès que l'envie d'aller se mettre minable en boîte se fait ressentir. Et vu le nombre de saoulards patentés doublés de clubbers avertis que compte notre rédaction, on ne doute pas une seule seconde que ce papier parle à un large public…

Le goût des autres :