Quavo Huncho
Quavo
Le rap de 2018 se vit comme n'importe quel épisode d'Avengers, avec des crossovers plus énormes les uns que les autres, souvent au détriment de la qualité intrinsèque du produit final ou du portefeuille du consommateur. Le dernier blockbuster en date, c'est la tournée américaine de Drake qui, accompagné de Migos, remplit chaque soir des stades, et ce depuis la mi-août. On vous laisse imaginer les retombées financières pour les trois crapules d’Atlanta qui, avant le buzz de « Versace » et la tape Y.R.N. de 2013, ne s'imaginaient peut-être pas atteindre aussi vite les sommets du rap-jeu américain. Pourtant, cinq ans plus tard, Quavo, Takeoff et Offset surfent sur une improbable vague de popularité qu’ils comptent bien rentabiliser jusqu’au dernier dollar. En effet, avant que la lassitude ne s’installe, les tres amigos ont la ferme intention d'exploiter la vache à lait – featurings à gogo, couv’ de magazines branchés, concerts et showcase par dizaines... L’avantage pour eux, c’est qu’ils sont trois et peuvent couvrir le terrain médiatique. L'inconvénient pour nous, c’est qu’ils commencent à balancer des projets en solo.
Quavo Huncho, c'est une pitoyable tentative de garnir la discographie de Migos de quelques bangers supplémentaires. Rien de plus. Un EP comprenant « Biggest Alley Oop », « Flip The Switch », « Workin Me » et « Lost » aurait été largement suffisant. Or, sans aucune justification créative ou narrative, Quavo étire le propos sur 19 interminables pistes qui prouvent à quel point il a besoin de la fougue d’Offset et de la témérité de Takeoff pour exister. Pour compenser, le young rich nigga d'Atlanta n’a d’autre choix que de s’appuyer sur des invités de luxe qui tentent, sans grand succès, de rehausser le niveau d’une tracklist insipide au possible – les habituels Drake, Travis Scott, 21 Savage et Cardi B sont évidemment tous de la partie. La seule raison d'y croire un peu réside dans la variété dans les productions: Quavo Huncho a le mérite de proposer des sonorités légèrement plus expérimentales que le monotone Culture II. Malheureusement, dans son ensemble, l'album de Quavo reste mal torché et révèle la face sombre de la galaxie Migos - bien évidemment il pourra se rassurer en se disant qu’il y a pire, qu’il y a la tape de Bhad Babie dont on ne vous a pas parlé et qui ferait passer son disque pour le nouveau To Pimp A Butterfly.
Néanmoins, Quavo Huncho démontre toutes les limites d’un collectif qui semble assis sur une bulle spéculative qui tarde à exploser. Pour citer un exemple concret, on ne peut que rester incrédules devant les rapports qu'ils entretiennent avec l’industrie du live, assez débile pour accepter des cachets gargantuesques pour se payer trois zombies qui se dandinent pendant 45 minutes sur scène. A l'autre bout du fil, il ne fait aucun doute que les trois concernés n’ont en strictement rien à branler puisqu’au moment où cette bulle éclatera, cela fera bien longtemps qu'ils seront partis avec la caisse.