Preoccupations
Preoccupations
On ne doute pas que le fait d’avoir intensément tourné ces deux dernières années aura permis à Preoccupations de faire ce que tout jeune groupe devrait faire, à savoir sortir le deuxième album aussi rapidement que possible. Ça permet de ne pas trop se poser de questions, de ne pas passer plus de temps en studio que nécessaire, de faire de mauvais choix et surtout de commencer à douter. Battre le fer tant qu’il est chaud aura ainsi souvent permis à de grands groupes de sortir des deuxièmes albums qui ne sont souvent pas nécessairement cités comme les meilleurs ou les plus emblématiques mais qui traceront la voie pour les grandes œuvres à venir.
Difficile encore de prédire ce qu’il adviendra de Viet Cong, euh pardon, Preoccupations mais il y a fort à parier que si l’on retiendra quelque chose de ce groupe (car malgré toute l’affection que l’on a pour eux, on doute fort qu’ils marqueront de quelque manière que ce soit l’histoire de la musique moderne), ce sera leur précédent album plus que le deuxième, toujours dans cette même logique. Inconsistance du public ? Papillonnage des amateurs de musique 2.0 ? Oui et non. Oui car dans la densité des sorties de cette rentrée, cet album était certes fort attendu mais, passée l’excitation première, il est de plus en plus difficile pour un jeune groupe de maintenir la flamme et tout le monde n’a pas forcément les moyens, ou tout simplement l’envie et la possibilité, de mettre en œuvre un plan com à la Radiohead ou Frank Ocean. Alors maintenir le désir quand on l’a déjà fortement suscité devient peut-être finalement plus compliqué que dans le cas où celui-ci n’a jamais été éveillé.
Pourtant tout s’annonçait plutôt bien lorsque le groupe a balancé les premiers extraits. « Anxiety » et « Degraded » portaient en eux ce goût de la mélodie oblique, des angles rugueux et ce même plaisir de l’acidité que l’on ressent à mettre en bouche une tête brûlée : astringent mais vicieusement addictif. Le problème viendra plus tard, à l’écoute du reste. On ne peut pas dire que ce soit mauvais, loin de là. Le reste de l’album est même bon, de qualité, on sent que le groupe s’est vraiment creusé pour ne pas se répéter tout en restant dans le fil de ce qu’il avait déjà proposé, à savoir un post-punk tendu, gentiment sombre, mélodique, friand de déconstructions et d’empilements d’arpèges, aux textes à la limite de l’abstraction. Une des recettes gagnantes en 2015. Pour 2016, Preoccupations aura pris le soin de manœuvrer son gouvernail vers les contrées plus aqueuses de la new wave voire de la cold wave. Comprendre ici plus de claviers, plus de boîte à rythme, plus de chorus sur les guitares. Une recette qui aurait pu encore une fois s’avérer gagnante si on n’était pas resté sur notre faim après avoir bien écouté ce nouvel effort.
Alors la faute à quoi ? Peut-être la voix un peu plus geignarde et poussée que par le passé de Matt Flegel. Des compositions dans l’ensemble qui auront privilégié le cérébral à l’instinctif. Ou peut-être tout simplement une légère lassitude de notre part, c’est possible. Au final Preoccupations se retrouve victime d’un mal somme toute assez courant dans le monde cruel et impitoyable de la musique moderne, à savoir le syndrome champagne. Excellent à l’ouverture, mais à ne pas faire traîner trop longtemps au frigo.