Pink
Four Tet
Il voit la vie en rose, Kieran Hebden, depuis qu'il a choisi de s'offrir corps et âme aux dancefloors qui lui sont si cléments. Car depuis There Is Love In You, sa romantique parenthèse micro-house d'il y a trois ans, pas mal d'eau a coulé sous les ponts : des galipettes remarquées avec Burial par ci, un Fabriclive où le bonhomme déclare sa flamme à la house music par là... Le bougre est devenu tellement bankable que même Thom Yorke s'attache ses services et qu'il enchaîne les relectures à la pelle. Bref, après autant d'années d'idylle, il fallait clairement faire le point pour savoir où en sont Four Tet et la dance music. Et à entendre Pink, on dirait bien que l'idylle se poursuit : jamais en effet la mutation technoïde de l'Anglais n'a parue aussi aboutie.
Car malgré la relative concision et l'absence totale de surprise qu'offre ce septième opus, jamais la house stellaire du luron n'a autant paru échapper aux lourdes contraintes de la pesanteur : envoyant valdinguer le côté trop sage et calculé de son aîné, Pink semble vagabonder d'une galaxie à une autre, câlinant Détroit de ses grands bras maigres avant de s'envoler flirter avec les anneaux de Saturne, toujours animé de la même candeur. Pluriels mais cohérents, ces huit titres au groove brut mais contagieux consacrent un véritable retour en forme pour leur géniteur dont on commençait à sérieusement redouter les redondances et le goût un peu trop prononcé pour les mélodies rosacées.
Réinventant le son Four Tet avec un éclairage un peu plus club – pas étonnant donc que six titres aient déjà fait l'objet de 12'' – et souvent moins jazz, Pink se présente malgré les apparences comme le véritable album que l'on attendait. Rien ici ne dépasse et tout est chirurgical : de l'ecstatique montée en puissance batterie/piano de ''Pinnacles'' aux bleeps sauvageons de ''Ocaras'', en passant par la beauté martienne de ''Locked'' qui ouvre le voyage là où il clôturait celui de son Fabriclive, on est intégralement pris dans la tempête et on se prend naturellement à souhaiter que le trip dure un peu plus longtemps, comme pour compenser la présence de passages parfois moins digestes. Et deux titres supplémentaires n'auraient sans doute pas été de trop.
L'initiative est feignante, c'est indéniable, mais au final cette compilation de maxis se tient si bien que l'on peine à en vouloir à Kieran Hebden: mûrissant un virage technoïde qui ne manque ni d'identité, ni de mordant, Pink a en effet suffisamment d'arguments pour convaincre même le plus réfractaire des technophobes à prendre un ennivrant bain de soleil dans cette dance music de fin d'été, nostalgique mais toujours dansante. Four Tet continue, mais d'une toute autre manière, de toucher les étoiles dans ce chouette album qui aurait pu être ambitieux, mais qui ne se contentera que d'être beau. Très beau, même.