Oxnard
Anderson .Paak
Les artistes ayant un accès direct au laboratoire top secret de Dr. Dre se comptent sur les doigts de la main - et ceux qui parviennent à sortir un disque sur Aftermath sont encore plus rares. Anderson .Paak coche pourtant ces deux cases ; mieux encore, il peut compter sur la surveillance rapprochée du docteur qui endosse le rôle de producteur exécutif pour ce nouvel album. Mais comme le démontre péniblement Oxnard, il est loin le temps où ce parrainage était un exceptionnel gage de qualité.
Quand le précédent disque d’Anderson .Paak était une longue balade en décapotable sous un coucher de soleil idyllique, Oxnard se projette dans des sonorités plus urbaines ; Anderson rappe davantage et s’aventure même sur le terrain glissant de l’engagement politique. On retrouve néanmoins avec plaisir cette personnalité attachante et débordante d’énergie, qui captive par son charisme naturel et sa musicalité éblouissante. Cependant, malgré toute sa bonne volonté, l’attractivité de ce nouveau projet s’amenuise au fil des écoutes, notamment car il n'existe aucun lien entre ces 14 pistes qui s’enchaînent sans but précis. Bien sûr que « Cheers » est un hommage poignant et digne à Mac Miller et que la collab' avec Kendrick Lamar tourne en soirée. Évidemment que l’alchimie avec BJ The Chicago Kid fonctionne toujours à merveille et que les vibrations G-Funk de « Anywhere » parleront aux apprentis thugs qui nous lisent. Ce n’est pas tant la qualité du produit qui est remise en question, c’est sa finalité. Car avec le temps, on ressent une pointe de lassitude, un désintérêt progressif envers un projet qui ne semble pas vraiment avoir été pensé en amont. Pire encore, le chanteur-batteur-rappeur-producteur commet des erreurs grossières qui ont le malheur d’exposer au grand jour la frivolité de son disque - on pense à cette conclusion gênante, avec ses pathétiques accents jamaïcains.
Alors que Malibu était un parangon de cohérence et un album à l'intouchable direction artistique, Anderson .Paak se prend le mur en voulant ménager la chèvre et le chou - ce qui prouve également qu'à 32 ans, il n’a toujours pas vraiment cerné son public. Sans vision, Oxnard rate la cible, ce qui est d'autant plus regrettable quand on sait de quoi est capable son interprète. Il faudra donc prendre son mal en patience et attendre la suite des aventures d'AP – un nouveau chapitre qui s’intitulera probablement Ventura, en référence à l’agglomération qui est traversée par la Pacific Highway après Venice, Malibu et... Oxnard.