Orelsan et Gringe sont les Casseurs Flowters
Les Casseurs Flowters
Quand on regarde This is The End, le plaisir qu'ont pris ces potes à faire le film est apparent et communicatif. Disons que le premier album des Casseurs Flowters, soit Orelsan et Gringe, est à la musique ce que le film de Seth Rogen et Evan Goldberg est au cinéma: un très bon produit de divertissement, drôle et plein d'autodérision, qui, dans son genre, est parmi ce qui se fait de mieux. Même si ici, on a comme l'impression que le public visé est plutôt adolescent - mais soit, on met tous du temps à grandir. Par contre, l'époque où Orelsan se défendait de faire du rap comique semble bien loin. D'ailleurs, on imagine très bien leurs futurs concerts sous la forme d'un two men show.
Preuve de ce constat: l'album est ponctué de skits qui, comme d'habitude, sont à double tranchant. Ici ils font plutôt avancer le schmilblick dans la mesure où le concept consiste à décrire une journée type des deux rappeurs, soit une journée de merde. Enfin, on se doute qu'il s'agit d'une journée type de l'époque où Orelsan n'était pas connu, car il nous est difficile de croire qu'aujourd'hui elles se déroulent de façon aussi oisive. Les skits en question ne sont donc pas trop mal joués, voire même bien improvisés. Les chansons à proprement parler maintenant: le premier morceau paru, « Bloqué », avait déclenché mon ire, mais dans le déroulement de l'album on comprend mieux la volonté de s'auto-parodier, d'admettre une tendance à parler de la même chose depuis les débuts, et on perçoit alors un aveu d'impuissance - « Si t'as pas de nouvelles histoires on va les remasteriser » disent-ils dans « Regarde Comme Il Fait Beau (Dehors) ». Mais le morceau reste éprouvant à écouter et ce constat est triste quand on y réfléchit. Et on a même tendance à penser qu'Orelsan fait cet album pour être sympa avec son pote - sensiblement moins bon rappeur, soit dit en passant - quand bien même lui est passé à autre chose.
On trouve également sur cet album des Casseurs Flowters cette aversion pour les chanteurs « conscients »: « ces artistes de merde vont bientôt chanter les droits de l'homme », « j'm'en bas les couilles de leurs clichés plein de préjugés mais c'est quand même bizarre de pénétrer les réfugiées » ou « je manque de certitudes pour être un artiste révolté ». « La Mort Du Disque » est une très bonne pirouette. Les deux Caennais savent qu'ils ne peuvent raisonnablement pas faire (ou refaire pour Orelsan vu le précédent « Sale Pute ») une chanson d'ultra-violence comme, au pif, Juicy J ou Kaaris, sans être ridicules. Mais ça les titille, bien évidemment, alors ils s'en prennent à un disque de merde. Bien joué.
Comme d'habitude les beats de Skread sont très moyens mais on peut se concentrer sur les paroles dirons-nous. Ce qui est triste par contre, c'est qu'on sent une volonté de recherche, d'inventivité, de faire évoluer l'instru. Mais le hic, c'est qu'on a un peu l'impression que les sonorités ont 5 ans de retard. Il est également dommage que la mélancolie et le doute qui habitent Orelsan et apparemment Gringe, dans une moindre mesure, ne trouvent pas plus de place. Seule « Des Histoires A Raconter » est vraiment dédiée à cet aspect de leurs personnalités et nous laisse sur notre faim. Mais, au fait, cet aspect est également négligé dans This Is The End... Un album de potes quoi, ils le disent eux-mêmes.