Only Run

Clap Your Hands Say Yeah

/ [autoproduit] – 2014
par Denis, le 4 juillet 2014
7

En 2005, Clap Your Hands Say Yeah débarquait de nulle part en arborant fièrement un nom digne des groupes imaginaires que Jimmy Kimmel fait adorer aux visiteurs de Coachella et du SXSW, et en surprenant tout le monde avec un premier album regorgeant de tubes (“The Skin of My Yellow Country Teeth”, “In This Home on Ice”, “Upon This Tidal Wave of Young Blood”). Depuis, plus rien. Le néant. L'intelligence tactique du Cameroun. Le désert. Enfin presque : deux albums très dispensables, avec l’un ou l’autre bon titre trop isolé au cœur d’un magma bruyant (“Satan Said Dance” sur Some Loud Thunder et “Hysterical” sur le disque du même nom). Et voici le mois de juin 2014, son doux parfum d’herbe fraîchement coupée et de barbecues au soleil, de bière et de pisse de supporters de foot du monde entier : le moment idéal pour tenter de se relancer en sortant l’album qui devrait être celui de la dernière chance. Et, pour susciter l'intérêt général, pourquoi ne pas improviser une tournée intimiste, dans l’esprit “soirée à emporter” de la Blogothèque, en proposant à des particuliers d’Europe d’accueillir le groupe chez eux (mais un beau chez-soi, hein, du loft de compétition ou de l’atelier d’artiste fortuné ; faut pas déconner non plus) le temps d’un concert ?

Ce quatrième album ne jouit logiquement plus de l’effet de surprise dont avait bénéficié Clap Your Hands Say Yeah à se débuts. Il n’a du reste aucune chance de convaincre ceux qui, d’emblée, avaient détesté la voix si particulière d’Alec Ounsworth ― qui, pour ceux qui ne la connaissent pas encore, ressemble à peu de choses près à celle d’un canard imitant Brian Molko qui a aspiré de l’hélium. Mais il en intéressera peut-être d’autres. Only Run démarre sur les chapeaux de roues avec “As Always”, dont le rythme de batterie happe directement l’attention avant qu’Ounsworth ne se mette à psalmodier, invitant guitares et synthé à le rejoindre. Le titre est bien charpenté et surprend agréablement, sans rien réinventer. Il sera suivi par d’autres réussites, comme “Little Moments”, qui est un bon exemple de cette synth-pop parvenant à faire oublier la simplicité des accords par une superposition tourbillonnante de mélodies accrocheuses, et “Beyond Illusion”, qu’une boîte à rythmes très présente invite à rapprocher de l’ambiance d’un certain Kid A (tandis que sur “Your Advice”, en revanche, on se demande pourquoi Ounsworth a envie de ressembler à Matthew Bellamy).

Le meilleur titre de l’album, toutefois, est incontestablement “Coming Down” : s’ouvrant tout en halètements et distorsions, il est interrompu, pile au moment où les geignements d’Ounsworth commencent à devenir insupportable, par l’intervention de Matt Berninger, dont la voix si profonde provoque un excellent effet de contraste. Cette participation gracieuse ne manque pas de valeur symbolique. À Dour, en 2007, j’avais vu les membres de CYSY rejoindre sur scène The National, comme pour filer un coup de pouce au groupe de potes qui devait jouer à 16h et peinait à s’imposer hors de New York : la présence de Berninger est aujourd’hui le renvoi d’ascenseur d’un type dont le groupe est au sommet de sa carrière. Pas pour Dour, mais en souvenir et dans le prolongement de l’ensemble des gestes d’entraide qui ont lieu au sein de ce réseau indie newyorkais. Et ça, naïvement, ça me plait aussi.