Old

Danny Brown

Fool's Gold – 2013
par Aurélien, le 10 octobre 2013
10

Difficile de trouver en cette fin d'année 2013 un acteur qui incarnee le rap dans son infinie complexité mieux que Danny Brown. A une ère où le genre n’a cesse de muter sous les assauts des game changers, des phénomènes viraux ou des vieilles gloires incapables de camper sur leurs acquis, on trouve finalement peu de MC's capables d’assimiler les codes en vigueur avec autant de finesse que le natif de Détroit. C'est en tout cas dans ce sens que va une discographie qui, de Hot Soup jusqu'à XXX, s’est autorisée peu d’égarements et a surtout profité d’une exposition médiatique tardive mais bienvenue pour un type qui s’était fait botter de la G-Unit pour des questions de… port de slims.

Il était donc urgent que le père Brown, la trentaine entamée et le chicot pété, se paie cette place de numéro un qui lui est due. Et pour le coup, la déculottée est lourde, voire cinglante, pour la concurrence. Si l’on avait tout à craindre d’un produit volontairement scindé en deux parties histoire de contenter autant les pré-XXX (comprendre les mecs en tee-shirt J Dilla Changed My Life aux soirées de la Bellevilloise) que les post-XXX (on pointe du doigt ceux qu’on croise aux soirées trap du Social Club), on ne s'attendait pas à ce que les deux parties y trouvent à ce point leur compte. Les voici même fédérés dans un gigantesque tourbillon qui voit Danny Brown revenir aux racines de la Motor City, se présentant tour à tour gangster, confident et MC sensible avant de tout foutre en l’air à grands coups de 808 épileptiques ou de rafales de synthés stridents typés trap.

Cette plaque montée sur ressorts n’est pas sans rappeler la narration du dernier Grems: assez peu de pistes dépassent les trois minutes, le tout s’enchaînant de façon aussi brutale que fluide. On ressort de l’écoute lessivé, la joue droite écarlate mais avec l’envie ferme de tendre la gauche. Il n’y a pas d’ailleurs que sur ce point que les deux MCs sont comparables: on trouve chez les deux énergumènes cette justesse dans le choix du beat ou du featuring de qualité. Et là encore, tout au long de ces dix-neuf titres, on a affaire à de sacrés miracles - sans que l’on ne sache vraiment ce qu'il est advenu du single "ODB" ou de ce featuring avec Mr Muthafuckin’ Exquire initialement annoncé.

A l’arrivée, s’il faut admettre que le travail de Paul White, SKWLKR, Rustie, Freddie Gibbs ou Schoolboy Q est un générateur évident de valeur ajoutée, Old témoigne surtout de l’audace d'un type bien décidé à ne pas camper sur ses positions. Si l'accouchement s'est montré à coup sûr douloureux, le résultat final n'en demeure pas moins insolent de réussite, tant Old réunit toutes les facettes du MC à tête de clochard, qu’il tape dans l’intimiste ou dans le banger sous MD. Old se permet en fait le luxe d'explorer une palette d’émotions vaste et exigeante sans jamais confiner à la stérilité, et ça, ça méritait bien la note maximale pour ce projet dont on attendait déjà beaucoup, et qui est quand même parvenu à nous en donner encore plus.

Le goût des autres :
7 Amaury L 10 Ruben