Neon Icon
Riff Raff
Le second degré qui fait de l'ombre à la street cred, on n'aurait jamais cru que ce serait aussi jouable. Pourtant, pour offrir une carrière à un acteur de Degrassi ou au petit gros du fond de la classe, il a bien fallu bien qu'Internet passe par là. Ce n'est pourtant pas sur le web que s'est fait connaître Riff Raff, puisque ses premiers faits d'armes remontent déjà à l'émission From G's To Gents, un reality show de MTV qui avait la prétention d'insuffler du flegme britannique à une bande de douchebags qu'on voulait faire passer pour des gangsters. Un concept à peine plus crédible que la carrière rap de Riff Raff, surtout que le bougre a mis un point d'honneur à conforter les anciens dans l'idée que le rap c'était mieux avant. Maintenant que l'arlésienne Neon Icon s'est offerte à nous, forte de sa pochette au mauvais goût apocalyptique, on se dit qu'on tient notre potentiel guilty pleasure de l'été, un truc qui se rapproche finalement du concept-album à la Fatal Bazooka.
On a trop souvent tendance à l'oublier, mais même chez Mikael Youn on avait su mettre la forme au service du fond – merci à Tepr et Grand Marnier. Dans le cas de ce bon vieux Raffie, il bénéficie du parrainage de l'écurie Mad Decent, qui avait tout pour nous faire bailler à coups de prods moombathon ou brostep de supermarché. Sauf qu'elle a aussi tout ce qu'il faut dans son panier pour emballer le propos du MC et son envie de rapper sur tout et n'importe quoi. Le constat sera sans appel: même si l'on est imperméable au flow du blanc bec, il apparaît difficile (sinon impossible) de ne pas reconnaître qu'il a le chic ici pour choisir ses prods, ses invités et même la couleur globale de son album. A l'arrivée, Neon Icon est aussi beauf que clinquant, aussi cheesy que pimp, et ce que le Texan s'amuse à faire le con sur un gros morceau pop bien dégoulinant à la "Maybe You Love Me" (ses kicks, mon Dieu), sur un gros fond de tiroir de DJ Mustard sur "How To Be The Man", sur une prod punk-rock qui ressuscite le Diplo qui a produit M.I.A et Santigold sur un "Kokaine" imparable. En fait, la liste est longue, tant l'album enfile les tubes sans le moindre temps mort. Et quand le disque s'achève, on finit avec une banane pas possible et la sensation de s'être enfilé un sachet entier de haze devant un film des frères Wayans.
A l'arrivée, Neon Icon est donc un produit conforme à ses ambitions: proposer un album de rap interdit à la vieille garde du double H, et qui impose un recul certain et une bonne dose de second degré. S'il ne vise néanmoins qu'à imposer une formule d'entertainment pur et dur, il fait passer l'exercice à un niveau inédit, et permet à son équipe de producteurs et à tous ses intervenants d'apporter leur science du plaisir coupable à ce disque consistant et sans limites. Après, Neon Icon n'est probablement pas l'achat le plus indispensable de l'année rap, et il y a de toute évidence peu de chances qu'il passe l'été sans quelques lourds mélanomes de lassitude. Mais d'ici là, on est prêts à parier quelques gros dinars qu'il aura fait cracher les enceintes de votre Clio une paire de fois avant de s'en aller mourir dans un coin.