Love Letter
R. Kelly
Dur d'être R. Kelly par les temps qui courent. Depuis ses démêlés judiciaires, le grand Robert a un mal fou à se remettre en selle et on peut dire sans trop se mouiller qu'il rate à peu près tout ce qu'il entreprend depuis 2004 et Happy People/U Saved Me. Ses trois derniers albums ont été de cuisants échecs artistiques (bien qu'ayant plutôt correctement fonctionné auprès du grand public) et le Untitled sorti en 2009 lui aura fait définitivement toucher le fond. C'est donc peu dire que ce Love Letter n'était pas la sortie la plus attendue de cette fin d'année. Vu la pochette et le single fadasse "Radio Message", on pouvait s'attendre à un énième album revival qui n'aurait fait qu'assombrir un peu plus une fin de carrière anticipée pour Kellz. Que nenni, ce gros malin nous prend totalement à contrepied sur ce dixième album solo en faisant ce que plus personne n'attendait de lui: revenir vers la base.
Car loin du jeunisme forcené et un peu grotesque affiché dans ses derniers album, l'auteur du cultissime 12 Play assume enfin son âge et ses vingt ans de carrière. C'est ainsi qu'on se retrouve à écouter un album de R'n'B plutôt classique dans ses arrangements et ses thèmes. Un artiste lambda serait probablement un peu ennuyeux dans une telle démarche, mais quand on a le talent de compositeur et de chanteur du R., les chances de réussites sont tout de suite plus importantes. C'est ainsi qu'on se retrouve avec un bon nombre de morceaux très classes dans ce Love Letter: "Love Letter", "Number One Hit", "Just Like That"... Si bien que l'écoute de cet album qui s'annonçait comme une corvée (ces derniers temps, on jetait surtout une oreille à ses albums par acquis de conscience) est un vrai plaisir. On retrouve le Robert qu'on avait perdu depuis bien trop longtemps et c'est très chouette. Néanmoins, on peut regretter une instrumentalisation un peu froide et pale. Le chanteur n'a pas convoqué de musiciens pour jouer ses morceaux et cette composition virtuelle qu'il a choisi est un peu plate. Gageons que l'ensemble doit prendre une autre envergure en live. L'autre petit défaut de ce Love Letter, ce sont quelques ballades un peu trop grandiloquentes qui tombent à plat comme "When A Woman Loves" ou "Music Must Be A Lady".
Enfin, tout cela n'altère aucunement la réussite de cet album. R. Kelly réussit le gros comeback de cette fin d'année avec ce projet sobre et très efficace où il fait usage de tout son talent pour la première fois depuis bien longtemps, renvoyant à leurs chères études tous les petits minets sans charisme ni talent du R'n'B contemporain. Bien sûr, rien ne dit que le R. ne se remettra pas à faire l'andouille sur son prochain disque mais peu importe, la démonstration est faite.