Los Angeles
Flying Lotus
Pas une semaine ne passe sans que le nom de ce jeune prodige n’apparaisse dans les playlists les plus classieuses, pas un blog ou autre site digne de ce nom n’a pu passer outre le phénomène Flying Lotus, un phénomène qui prend encore un peu plus d’ampleur au moment de la sortie de son premier album sur la structure de Sheffield, Warp Records. Et pour cause, l’avènement en début d’année de son premier EP (Reset EP) sur ledit label avait de quoi affoler les foules : un savant mélange de hip-hop abstract aux contours flous et minimaux venait de voir le jour, projetant de cette manière son géniteur sur le devant de la scène.
Autant dire que ce deuxième album (qui fait suite à 1983) était attendu de pied ferme, histoire de marquer définitivement son empreinte dans le petit monde du beatmaking. On retrouve sans trop d’étonnement notre bonhomme au sommet de sa forme, marquant ses compositions d’un son identitaire fort. À la croisée des chemins, Flying Lotus emmène son hip-hop vers des contrées enfumées faites de cauchemars urbains, de réminiscences ghettos douloureuses sans jamais tomber dans le mélo grâce à un traitement du beat subversif et décalé. Dans la grande tradition du beatmaking, le Fly’Lo’ envisage son passage sur format long en une implacable avancée de courtes vignettes, une évolution de boucles graveleuses qui s’emploient à créer ces zones d’instabilité, comme pour mieux imprimer dans nos petits esprits l’idée que ce producteur est à la fois partout et nulle part, capable de maîtriser l’ombre autant que la lumière.
De cette manière, le Californien renoue en quelque sorte avec les heures de gloire du label londonien en proposant à ses auditeurs un son profond et inusable tout en demeurant violemment en marge des productions actuelles. A partir de là, Flying Lotus a toutes les cartes en main pour avancer sereinement, sans se poser de questions sinon sur la qualité de son travail. Une insouciance qui se traduit notamment par une relative linéarité dans son approche du rythme qui, bien que martial à de nombreux égards, tombe parfois dans des schémas répétitifs. Paradoxal s’il en est puisque Steven Ellison se noie dans un son qu’il a lui-même fait évoluer, sûrement la raison pour laquelle je ne lui en tiendrai pas rigueur de manière outrancière.
Cet album résonne comme une demi-surprise : consacrant, d’une part, le fait que Flying Lotus est définitivement à ranger au rayon des plus grands beatmakers de ce monde, plaçant son Los Angeles aux côtés de Donuts de J Dilla ou des plus belles productions de Madlib. D’autre part, il ne fait nul doute que l’attente placée dans ce disque (et donc l’attention portée au premier EP) a largement durci nos critères d’évaluation quant à ce producteur de génie, de cette manière Los Angeles aurait pu être l’album de l’année là où il se contente juste d’être un très bon album.