LA REH 012
Sunn O)))
Il nous aura fallu à peu près deux minutes pour pré-commander le nouvel EP de Sunn O))) dans sa version limitée à 1 500 copies. Le tout sans aucun extrait à se mettre sous la dent - à peine une jaquette magnifique et un communiqué de presse laconique qui nous promettait du gros riffing venu de l’espace. Frais de port compris, la bête nous a coûté trente balles. Pour moins de quarante minutes de musique. Si on est peut-être complètement con, cette réaction épidermique est lié à l’effet provoqué par la bande de Stephen O’Malley et à son potentiel bankable sur nos personnes. Parce qu’après tout, Sunn O))), ça rime à quoi ?Le groupe est l’assurance d’un débat interminable, de considérations croisées sur l’extension expérimentale que le doom-metal (et plus largement le rock) peut engranger à l’infini et, finalement, sur la toute puissance d’une musique délicieusement physique. On préfère de loin pousser le volume d’un disque qui ne se conçoit que dans la masse sonore et définitivement laisser parler deux guitares qui s’expriment dans trente amplis Marshall.
Car LA REH 012 c’est ça, que ça et absolument ça. Quarante minutes de riffs lourds, surexposés, qui se vomissent lentement dans la tension et le dénuement le plus total. D’ailleurs, quand les quatre minutes d’intro de « Last One/Valentine’s Day » débarquent, on sent directement que la tempête gronde, bien loin à l’horizon. Le temps pour les mecs de Sunn O))) de trouver le jack, de brancher les guitares et de balancer de la torpeur par camions entiers (quel frisson, ce démarrage). A partir de là, on divague, on donne du sens à des choses aussi simples qu’un rapport de la machine à la masse corporelle. Et rien de plus. Tout le reste n’est que surenchère, murs du son et aller-et-retours incessants sur de la masse bourdonnante. Très « live » dans son approche d’enregistrement - la captation est assez fabuleuse, d’ailleurs - LA REH 012 explore toute la spontanéité de Sunn O))), sa capacité à dépasser toutes les conceptions doom-metal/drone tonal (rien que là, on aurait de quoi causer des soirées entières) en une poignée de riffs pour mieux se concentrer sur l’impact physique de sa musique.
Une musique qui semble exister depuis des siècles, et qui crée un passage direct vers ce que le ressenti a de plus primaire et fabuleux. Certains auront beau dire que les Américains ont un peu trop tendance à enregistrer le moindre riff sorti de leurs guitares (leur récente collaboration avec Ulver ne peut malheureusement leur donner tort, pour une fois), mais on s’aperçoit que le spectre imaginé ici n’a rien d’intellectualisant, qu’il est l’essence même de la parole musicale. Avec cette omniprésente impression qu’on pourrait toucher la lune de l’index, on se surprend chaque fois à augmenter sans cesse le son. Comme pour mieux s’imbiber et se noyer. Comme pour mieux se confronter à la masse.