Kime Ne
Insanlar / Ricardo Villalobos
Si l’on ne présente plus Ricardo Villalobos en 2015, quelques lignes s’imposent sur le cas Insanlar, groupe turc qui mélange musique traditionnelle et bidouillages électroniques. Attention, on ne vous parle pas d’une énième couillonnade faussement world, un peu electro aux entournures et taillée sur mesure pour faire du remplissage sur la compilation Buddha Bar 189. Non, Insalar, c’est une musique respectueuse des traditions, mais tout aussi désireuse de faire entrer celles-ci dans la modernité par la grande porte. Sorti par le label stambouliote Aboov Plak en 2013, « Kime Ne » tire ses racines dans un poème du 17e siècle, Haydar Haydar, et est surtout une étincelante preuve du talent fou du groupe, à la fois maître du groove et gardien du temple sur un titre enregistré en live et étiré sur 23 minutes d’une transe latente.
Une matière première idéale pour un daron comme Ricardo Villalobos, devenu tellement énorme qu’on ne pense plus vraiment à remettre en cause et réévaluer son talent. Pourtant, à chaque fois qu’on a voulu le faire, il aura été bien compliqué de prendre le Chilien en défaut, lui qui n’a pas son pareil pour offrir sa vision percussive et quasi chamanique de ce que doit être une house minimale de toute première bourre. Et ici encore, avec ces deux remixes de « Kime Ne » sortis par le label Honest Jon’s (ndlr: l’original est inclus dans la release), l’ami Richard met tout le monde d’accord et consolide encore un peu plus son statut de légende au sein d’un microcosme électronique où il aura toujours réussi à concilier starification et intégrité artistique.
En deux relectures d’un gros quart d’heure chacune, Ricardo Villalobos malaxe la matière première, la déstructure pour lui donner plus de longueur en bouche, en conserve l’ADN tout en imprimant une griffe que les fans reconnaîtront assez rapidement. C’est de la micro-house de marathoniens, une dinguerie qui fait tout son effet avec 4 grammes d’alcool dans le sang (ça marche aussi avec des psychotropes de qualité), quand le soleil est levé depuis bien longtemps, que tes draps en satin te tendent les bras mais que tes guibolles percluses de crampes te tirent irrémédiablement vers le dancefloor, soumises qu’elles sont aux caresses d’un maître de cérémonie qui aligne les perles avec cette tronche de zombie qui affiche une nonchalance à laquelle on a arrêté de croire il y a bien longtemps. Y’a pas à dire, cette confrontation entre le Chili et la Turquie tient toutes ses promesses. Si elle avait dû avoir lieu sur un terrain de foot, elle aurait probablement donné lieu à un match tendu et rugueux, avec un beau paquet de cartes jaunes et de tacles vicelards. Ici, les deux parties sortent l’artillerie lourde certes, mais le font avec la fleur au fusil. 57 minutes de bonheur.