It's Album Time
Todd Terje
Dans notre récent papier au sujet du Love Letters de Metronomy, on s’étonnait du manque d’engouement autour d’un disque qui, au final, en a déçu plus d’un – nous y compris. Par contre, dans le cas du premier album de Todd Terje, on n’a pas trop à s’inquiéter du manque de publicité. Alors qu’en amont de la sortie, la moindre annonce à son sujet provoquait déjà un déferlement de likes et de retweets, on frôle l’hystérie collective depuis l’arrivée dans les bacs d’un It’s Album Time que l’on attendait depuis des plombes.
Et si dans le cas de Metronomy on justifiait l’absence d’excitation par un disque de qualité inférieure, la méfiance pourrait également être de mise avec le moustachu norvégien, accessoirement petit prince d’un mouvement nu-disco sur le déclin : on le sait, l’engouement généralisé et les dithyrambes à la pelle (surtout sur la toile) ne sont pas toujours bonnes conseillères. A une époque où le superlatif usurpé règne en maître, il convient de se méfier de ces accès de folie douce, signés par quelques prescripteurs du bon goût auto-proclamés et infatués de leurs minces talents.
Pourtant, dans le cas de Todd Terje, on voit mal comment It’s Album Time ne pourrait pas récolter les suffrages, dans des sphères pas toujours habituées à se côtoyer d’ailleurs. En effet, tant dans son approche que dans ses atouts ou ses effets de manche, tout dans ce premier disque renvoie vers un succès critique et populaire qu’il sera bien difficile de contrer. Notamment parce que, en activant ses habituelles marottes tropicalia, en singeant plus ou moins délicatement quelques illustres aînés (Giogio Moroder en tête), mais aussi en optant pour un approche plus pop que jamais (et déjà esquissée sur ses EP’s les plus récents ou le Smalhans de Lindstrøm), Todd Terje travaille un matériau qui avoisine souvent les 6 ou 7 minutes, sans pour autant reposer sur des constructions inhabituelles pour l’oreille plutôt habituée aux formats standard de la musique actuelle.
Par ailleurs, l’autre argument massue de ce It’s Album Time, c’est son rythme. Malgré une belle palette de cadences, Todd Terje parvient à donner à l’ensemble un relief qui rend l’écoute particulièrement agréable. Evidemment, ce sont très souvent les morceaux les plus dansants qui font mouche (et on retrouve ici des tubes avérés comme « Inspector Norse » ou « Strandbar »), mais ceux-ci voient leur efficacité redoublée grâce aux pauses que s’impose Todd Terje. Des ralentissements qui ne doivent d’ailleurs pas être considérés comme du remplissage, puisque l’une des plus belles réussites de It’s Album Time est probablement la reprise du « Johnny and Mary » de Robert Palmer avec l’aide de l’icône Bryan Ferry – un morceau qui a tout du grower en puissance.
A l’origine chouchou des suiveurs de la sphère électronique, Todd Terje est en passe de devenir un artiste au vaste rayonnement, dont la musique sera probablement beaucoup moins intellectualisée qu’elle ne peut l’être ici par des gratte-papiers amateurs. En même temps, plus les écoutes défilent, plus on se dit que c’est probablement ainsi que Todd Terje a voulu ce disque : comme un objet certes conçu avec soin et amour, mais qui ne peut être véritablement apprécié à sa juste valeur qu’en prenant bien soin de laisser ses neurones au placard. Bref, après avoir activé ceux-ci le temps de quelques paragraphes, vous savez ce qu’il vous reste à faire…